1898 - 1981 FOURNIE Maurice

, par udfo31

Secrétaire Général Adjoint de l’Union Départementale CGT-FORCE OUVRIERE de la HAUTE-GARONNE en 1948. RESISTANCE PTT "RESEAU GARNIER"

En 1940 , Maurice Fournié était Contrôleur Principal à la Direction Régionale des P.T.T., à Orléans puis muté à Toulouse.

Maurice Fournié, dit « GARNIER » durant la clandestinité , sous le régime de Vichy et l’occupation allemande, fut le chef régional de la Résistance P.T.T. à Toulouse. Chef Régional du Réseau « Action P.T.T. commandant F.F.I – Force Française de l’Intérieur- sous le numéro16.1148 ».

Il sera fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Il reçu la Médaille de la Résistance, la Croix de guerre 1939-1945 et la Croix du Combattant Volontaire.

Voici quelques extraits significatifs de ses mémoires portant sur ses relations avec les responsables de la Résistance Régionale :

« Mon éloignement de Toulouse, depuis 1938, me permettait de passer beaucoup plus inaperçu que certains de mes amis, ce qui me fit désigner pour remplacer Julien FORGUES au Comité Régional de Coordination, en août 1943 ».

« FORGUES, Secrétaire Général de l’Union des Syndicats de la Haute-Garonne, après une première arrestation pour distribution de tracts, était recherché par la Gestapo. Jusqu’au lendemain de la Libération de Toulouse, où il reprit ses fonctions, je le remplaçais en qualité de représentant de la CGT au Comité Régional de Coordination, comprenant cinq membres, dont François VERDIER (mutilé et exécuté par la Gestapo) et NAVES (mort en déportation). Je fus maintenu à ce poste après la création du Comité Régional de Libération et je participais à ses travaux, sous la direction de Jean CASSOU ».

« Sur le plan général, je recevais directement les instructions du Chef Régional FFI, d’abord RIVIER, ensuite RAVANEL. J’ai également collaboré très étroitement à l’action de RODRIGUE (ROSE), Responsable de l’application du Plan VIOLET ».

En reprenant son mémoire dans l’ordre chronologique :

« Personnellement, je fus immédiatement sous la botte d’un adjudant des transmissions ennemie…je n’avais pas suivi ses instructions…L’adjudant me conduisait avec Collonges, Directeur Régional P.T.T., … à la Feldkommandatur…L’interprète traduisait « si vous n’obéissez pas aux ordres de l’officier, vous serez fusillés. »

« Militant syndicaliste, ex secrétaire Régional du syndicat des agents P.T.T., d’Orléans, je trouvais immédiatement et en particulier dans le milieu syndicaliste les membres du futur Etat-Major Régional. »

« … Dix départements constituants la Région Administrative pour recruter les membres du futur réseau « GARNIER » A la demande de Pierre Hervé (VERDIER) nommé chef régional de « Libération » à Toulouse, je fis également du recrutement pour le Mouvement auquel j’appartenais, en particulier à Souillac, dans l’Ariège et dans le Gers où je crée le premier noyau « LIBERATION » à Auch ».

« Toujours dans le même souci de recrutement, mais également en vue de coordonner l’action clandestine du personnel des P.T.T. sur le plan National et ceci en plein accord avec « Libération », je crée la Fédération Postale Clandestine en Zone sud. »

Maurice Fournié nous explique comment il obtint de son Directeur Régional , Rouanet, la mise à disposition de tous les moyens indispensables pour accomplir ses missions : voitures, camions, ordres de services, laisser-passer etc.…

Il établit une liste du matériel Radio-Militaire camouflé pendant l’occupation allemande et qui furent ensuite installés dans les maquis de la région.

Avec son camarade syndicaliste, Pierre Milhau, Ils organiseront l’acheminement du courrier clandestin ainsi que le transport et la distribution des tracts et journaux : « Combat, Libération, libérer Fédérer, etc.. » Milhau fera imprimer des journaux clandestins à Carmaux (Il ne précise pas la date. Je pense- qu’il pourrait s’agir de la période postérieure à l’arrestation, par la Gestapo, de l’imprimeur toulousain Henri Lion.

Dans ce réseau figurent : la camarade Dauriac Marie, épouse de Sylvain Dauriac , Syndicaliste Résistant, membre du réseau « BRUTUS ».

Voici un extrait de l’attestation officielle délivrée le 8 août 1952 par Ferdinand Jourdan, officier liquidateur du réseau « ACTION P.T.T. » qui évoque l’action de résistance de Marie Dauriac.

« Contrôleur principal P.T.T. qui était agent de renseignement et de liaison et qui était chargée du service des abonnements qui a permis la réalisation d’installations téléphoniques destinées aux mouvements de Résistance et fournissait tous les renseignements sur les lignes ennemies ainsi que les noms et adresses des abonnés mis au service d’écoute ».

Maurice Fournié deviendra en 1948, Secrétaire Général-Adjoint de l’Union Départementale CGT-Force Ouvrière de la Haute-Garonne, qu’ils créeront avec Sylvain Dauriac, Raoul Marty, Bernard Abadie, Pierre Milhau, Jean Dental, Borrel, Fraysse, Elie Ousteau, Gilbault, Coste, et bien d’autres.

Dans ce réseau figuraient également, sans qu’il en ait véritablement conscience à l’époque, Maurice Gendre, qui à 15 ans, était télégraphiste P.T.T. : il dut se rendre pour « des raisons de service » au siège de la Gestapo, 2 rue Maignac- lieu tristement célèbre où furent torturés et assassinés de nombreux résistants. Dans cet immeuble appelé » le Château la Gestapo torturera à mort Lucien Béret, un employé P.T.T, membre du réseau « BRUTUS » et ami de Maurice Fournié. D’autres résistants y seront lâchement assassinés : Hammard Léon, Escharry Georges, Boltar Stéphane, Fridman Lazarre. Aujourd’hui cette rue de Toulouse s’appelle rue des Martyrs de la Libération.

Les missions de « service » que devait accomplir Maurice Gendre n’étaient pas, de mon point de vue, le fait du hasard : Dans l’organisation « Résistance P.T.T »,.les dirigeants savaient utiliser les jeunes hommes courageux pour recueillir des renseignements sur l’ennemi. Ainsi, Maurice Gendre eut à porter un télégramme au siège de la Milice rue Bayard : Il fut ce jour là menacé par un milicien qui lui braqua une arme dans son dos.

Maurice Gendre était en contact avec René Ségouffin, un résistant P.T.T, Un jour ce dernier lui donna rendez-vous sur les boulevards, pour acheminer un message à l’attention d’un autre résistant : La destination devait lui être communiquée sur place. Maurice fut retardé et arriva quelques minutes en retard. René Segouffin venait d’être arrêté par la Gestapo, il eut heureusement le temps d’avaler le message et fut conduit à la prison Saint Michel. Il ne retrouva sa liberté que le 19 août1944, jour de la Libération de Toulouse. Maurice Gendre fut Secrétaire Général de l’Union Départementale CGT-FO de 1979 à 1995 : il est actuellement le Secrétaire Général de l’Union Départementale des Retraités.

Sylvette Gaillard-Dauriac, fille de Sylvain et Marie Dauriac, fut Présidente de la coopérative des P.T.T., et militante à la CGT-FO. Aujourd’hui elle est Secrétaire Générale de l’Association pour le Musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse. Elle participe activement au devoir de mémoire, en recevant des jeunes lycéens, afin de leurs transmettre le douloureux vécu des années noires sous l’occupation et leurs insuffler les valeurs fortes de « l’Esprit de Résistance ».

Sources :Le récit de Maurice Fournié est corroboré par le colloque organisé par le Ministère des Postes et Télécommunications, en 1984 ; colloque qui fut présidé par Rolande Trempé, historienne résistante et professeur émérite le l’Université Toulouse-Mirail. Christine Scalisi était intervenue sur la Résistance dans la Région toulousaine. Elle avait effectué une Maîtrise, puis un DEA d’ histoire, sur la Résistance dans l’Administration Postale à l’Université de Toulouse-Mirail . Son travail de recherche est déposé aux Archives Départementales de la Haute-Garonne, Fonds Daniel Latapie, référence, N°16 J 134.

On retrouve également dans le Fonds Daniel Latapie, l’intégralité du récit de Maurice Fournié dit « Garnier », référence, N°16 j 135.

Sources, à propos de l’implication de Lucien Béret dans la résistance et plus particulièrement dans le réseau « BRUTUS » : voir, page 76 du livre « Eglantine et Vert –de-Gris » écrit par Henri Docquiert , secrétaire de Raymond Naves et membre du réseau « Brutus » . Raymond Naves, fut le chef du parti socialiste clandestin de la Région toulousaine, mort en déportation en 1944.

Notons également que le livre « Eglantine et Vert- de-Gris » évoque de la résistance toulousaine, y figure l’action d’ Eugène Thomas qui fut un instituteur syndicaliste, tendance Jouhaux, puis résistant et qui deviendra Ministre des PTT à la Libération. Henri Docquiert fut son directeur de Cabinet.

Colloque, lien et extrait.

http://beaucoudray.free.fr/colloque2.htm

Autres sources :Archives de l’Union Départementale CGT-Force Ouvrière, thèse de Yannick Delpoux intitulée « Etude sur la scission de la CGT et la naissance de la CGT-Force Ouvrière en Haute-Garonne » sous la direction de Rolande Trempé,

Archives personnelles de Sylvette Gaillard-Dauriac, dont les cahiers de la FNARH, revue de la Fédération Nationale des Associations de personnel de la Poste et de France Télécom pour la Recherche Historique N° 94 d’octobre-novembre-décembre 2004.

Retour sur les liens biographiques des résistants cités du site de l’Union Départementale CGT-Force Ouvrière de la Haute-Garonne.

Julien Forgues : http://31.force-ouvriere.org/SYNDICALISTE-ET-RESISTANT

Raymond Naves : http://31.force-ouvriere.org/Raymond-NAVES-SYNDICALISTE-ET

Sylvain Dauriac : http://31.force-ouvriere.org/Sylvain-DAURIAC-1894-1969

Marie Dauriac : http://31.force-ouvriere.org/UNE-FEMME-SYNDICALISTE-DANS-LA

Serge Ravanel : un livre à lire « L’ESPRIT DE RESISTANCE » une vidéo à voir :

http://www.ina.fr/histoire-et-conflits/seconde-guerre-mondiale/video/CPD02000137/serge-ravanel.fr.html

Intégralité du TEMOIGNAGE DE MAURICE FOURNIE

FOURNIE Maurice, Louis, Raymond Né le 15 juin 1898 à Montpellier, Hérault Chef de Section Principal, Central Automatique de Toulouse Demeurant 1 rue Riquet à Toulouse.

J’avais été promu Contrôleur Principal au Central Automatique d’Orléans en 1938. Affecté spécial PTT, je n’ai pas quitté mon emploi.

En 1940, j’ai vu passer des milliers et des milliers de réfugiés. Depuis ceux du début qui pouvaient transporter un minimum de leur avoir, jusqu’à ceux de juin qui avaient été mitraillés et qui ramenaient leurs morts et leurs blessés.

Avec le Chef de Centre et quelques opératrices nous avons assuré, sous le bombardement massif d’Orléans, les liaisons téléphoniques jusqu’à la dernière heure et n’avons quitté le Central qu’après avoir passé toutes les consignes au détachement des transmissions du GQG qui est venu nous remplacer quelques heures avant l’évacuation de la ville.

Nous avons donc quitté Orléans, le 15 juin 1940 vers 23h50, avant la destruction des ponts. Après trois jours de voyage dans le convoi tragique des réfugiés, nous sommes arrivés à Châteauroux. Stationnant sur les routes, bien souvent entre les deux armées, ou hébergés dans des lieux où il n’y avait pas de courant électrique, il ne m’a pas été possible de connaître le message de DE GAULLE. Je n’avais comme nouvelles que celles émanant des organismes officiels.

Après un court séjour à Châteauroux, et dans un château situé aux environs de Tendu, près d’Argenton, j’étais de retour à Orléans le 25 juin 1940.

Premiers représentants d’une Administration française de retour dans une ville en partie détruite et occupée, nous avons connu des conditions de vie particulièrement dures, dans une ville sans eau, sans gaz, sans ravitaillement, sans rien (nous campions avec cinq ou six fonctionnaires des PTT, dans l’appartement de M. HUMBERT, Ingénieur en Chef).

Nous avons, alors, essayé de remettre en état de fonctionnement tous les services des PTT, en particulier les installations techniques.

Personnellement, je fus immédiatement sous la botte d’un adjudant des transmissions ennemies qui m’imposa de rétablir, en priorité, les liaisons de l’armée allemande.

Ce fut mon premier contact avec l’occupant et il ne fut pas très agréable. Huit jours après, parce que je n’avais pas suivi ses instructions, l’adjudant me conduisait, avec M. COLLONGUES, Directeur Régional des PTT, à la Feldkommandantur, où après quelques minutes de hurlements proférés par le commandant allemand, l’interprète, traduisant les dernières phrases, nous fit connaître : « Si vous n’obéissez pas aux ordres de M. l’officier, vous serez fusillés », et attrapés au collet par une poigne solide, nous fumes jetés à la rue.

Pendant mon séjour à Orléans, je fus conduit à la Feldkommandantur à trois reprises, pour y répondre d’actes de sabotages commis sur des liaisons allemandes.

Je n’obtins ma mutation à Toulouse que le 1er novembre 1941. Entre temps, j’avais eu la possibilité de venir à Toulouse, soit avec des laissez-passer, soit clandestinement en passant la ligne à Vierzon ou à Blois. J’ai eu, ainsi, l’occasion de rencontrer un certain nombre de camarades, en particulier de militants syndicalistes qui me faisaient connaître leurs réactions à l’occupant de la Zone Nord, réactions qui ne pouvaient correspondre à mon état d’esprit, mais qui se rejoignaient vers un idéal, retrouver rapidement la liberté, toutes les libertés.

Enfin, j’arrivais à Toulouse en octobre 1941, je fus tout de suite dans le bain et comme tous mes camarades d’alors, je commençais à distribuer des tracts.

En février 1942, je fus désigné comme Responsable MAF PTT, pour le mouvement « Libération-Sud », par le Colonel BONNAUD et je collaborais immédiatement avec MONTPEZAT (RIVOLI) qui par la suite devint le Commandant des Maquis de la Montagne Noire (Compagnon de la Libération).

Militant Syndicaliste (Ex Secrétaire Régional du syndicat des Agents des PTT à Orléans) je trouvais immédiatement et en particulier dans le milieu syndicaliste, les membres du futur EM Régional.

Mes fonctions à la Direction Régionale des PTT me permettaient de circuler facilement sur l’ensemble de la région. Je commençais ma prospection sur les dix départements constituant la région administrative pour recruter les membres du futur réseau « GARNIER ».

A la demande de Pierre HERVE (VERDIER), nommé Chef Régional de « LIBERATION » à Toulouse, je fis également du recrutement pour ce mouvement, auquel j’appartenais, en particulier à Souillac, dans l’Ariège et dans le Gers, où je créais le premier noyau « LIBERATION » à Auch.

Toujours dans le même souci de recrutement, mais également en vue de coordonner l’action clandestine du personnel des PTT sur le plan national, et ceci en plein accord avec « LIBERATION », je créais la Fédération Postale Clandestine en Zone Sud.

Prospection dans tous les Centres Régionaux et à Paris, organisation d’une Assemblée Nationale tenue à Toulouse, en février 1943, avec la participation de « DUJARDIN » du Comité Directeur de « LIBERATION-SUD » et des délégués de Paris et de toutes les régions de la Zone Sud. A la fin de la réunion, je fus désigné comme délégué de la Fédération Postale Zone Sud.

En 1942, après avoir créé les liaisons postales et télégraphiques dans la région, je mis en place les mêmes services à Montpellier, Marseille, Lyon, Clermont-Ferrand et Limoges. Ces services fonctionnaient déjà dans certaines régions, mais après mon passage, les régions furent soudées entre elles et rattachées au mouvement PTT.

Mon éloignement de Toulouse, depuis 1938, me permettait de passer beaucoup plus inaperçu que certains de mes amis, ce qui me fit désigner pour remplacer Julien FORGUES au Comité Régional de Coordination, en août 1943.

FORGUES, Secrétaire Général de l’Union des Syndicats de la Haute-Garonne, après une première arrestation pour distribution de tracts, était recherché par la Gestapo. Jusqu’au lendemain de la Libération de Toulouse, où il reprit ses fonctions, je le remplaçais en qualité de représentant de la CGT au Comité Régional de Coordination, comprenant cinq membres, dont François VERDIER (mutilé et exécuté par la Gestapo) et NAVES (mort en déportation). Je fus maintenu à ce poste après la création du Comité Régional de Libération et je participais à ses travaux, sous la direction de Jean CASSOU.

Je m’excuse de ce long exposé qui retrace très objectivement mon activité personnelle, qui s’exerça sur trois domaines : Mouvement Libération, Mouvement Ouvrier et PTT.

Pour le Mouvement PTT que j’ai créé en Zone Sud (Fédération Postale – Réseau GARNIER – EM PTT), son évolution suivit le rythme que j’avais choisi, avec plus ou moins de retard, selon les circonstances, pour aboutir au but recherché, l’organisation d’un grand réseau PTT. Je fus d’ailleurs merveilleusement secondé par mes camarades de l’EM Régional.

La région de Toulouse comprenait les départements de la Haute-Garonne, de l’Ariège, du Tarn, du Tarn et Garonne, du Lot, du Gers, et des Hautes-Pyrénées, avec une partie des départements des Landes, du Lot et Garonne et des Basses-Pyrénées.

Ainsi que je l’ai déjà dit, les facilités de circulation, que je détenais de par mes fonctions, me permettaient de visiter tout le territoire, même dans les parties interdites, après l’occupation de la Zone Sud.

D’autre part, mon Chef de Service, M. ROUVIERE, Ingénieur en Chef Régional (actuellement Directeur Général des Télécommunications) m’autorisa, dès 1943, à ne plus assurer effectivement mes fonctions et, en accord, d’abord avec M. ROUANET, Directeur Régional des Services Postaux, ensuite avec le successeur M. DENARD, il mit à ma disposition tous les moyens indispensables pour accomplir mes missions : voitures, camions, ordres de service, laissez-passer…

Mon recrutement terminé dès 1942, l’organisation ci-dessous fut mise en place, organisation qui pouvait faire face à toutes les demandes des autres mouvements. Aussi, après l’unification sur le plan national, le Colonel LABAT (DESLANDES), après une longue conversation avec son représentant dans la Région (AUFRERE), me désigna-t-il comme Chef de la Zone Sud. Après l’arrestation du Colonel, cette responsabilité fut confirmée, d’une part par JOURDA (JACQUEMIN) et ensuite par DEBEAUMARCHE, au nom de PRUVOST.

Voici relatée succinctement l’action du réseau dans ses diverses sections :

• Recette Principale :

Deux branches : 1. Prélèvement de correspondances 2. Réception du courrier et livraison aux intéressés

Sous le contrôle de Jean BABIT et Joseph BALES, Facteurs Chef, ainsi que de DOUZIECH, Contrôleur, ce service comprenant un certain nombre d’agents, facteurs et auxiliaires, prélevait les correspondances destinées à la Milice et plus tard à la Gestapo.

Ces correspondances étaient triées de façon à aboutir dans le casier d’un agent désigné à l’avance. Celui-ci, au moment du départ, le remettait à un des responsables qui le faisait passer à un agent de liaison ou le remettait directement dans une boîte. Reprenant le même itinéraire, ce courrier, après filtrage, était distribué le lendemain.

Un tri, effectué dans des conditions à peu près identiques, permettait de repêcher la correspondance adressée à des résistants connus. Cette correspondance était remise au 2e groupe qui recevait ou remettait les plis aux guichets du public.

Ce service fut utilisé par un certain nombre de clandestins et aucun incident regrettable ne fut signalé, malgré la présence d’un milicien très actif dans le bureau (SAINT-JEAN, milicien arrêté et exécuté à Toulouse).

Ci-jointe copie d’une attestation destinée à un de nos agents.

• Central Téléphonique Interurbain :

Le travail était effectué en commun avec le NAP « COMBAT » qui était sous la direction de Mme FAURE surveillante.

Notre groupe, qui comprenait entre autres Mlles DEJEAN, COYNE, MILLET, M. et Mme CAPOU, participait aux écoutes et à la transmission des renseignements recueillis. « COMBAT » étant le grand bénéficiaire.

Le climat, que nos camarades avaient su créer parmi les personnels, permettait de demander à la majorité des employés de pratiquer une écoute presque permanente sur les communications. Ceci nous donnait la possibilité de faire surveiller toutes les conversations d’arrivée destinées à des numéros déterminés.

Pour le départ, les communications étaient données après établissement de fiches avec application de la priorité, retard systématique… Les opératrices affectées à des directions déterminées et certaines de ces directions étaient réservées à nos camarades.

Mlle COYNE, chargée de la distribution des fiches, choisissait ainsi des opératrices susceptibles de la renseigner sur la conversation. Si, par suite de certains voisinages ou pour toute autre raison, cela n’était pas possible, elle faisait établir la communication sur un circuit déterminé, elle signalait aussitôt à M. ou Mme CAPOU, qui se trouvaient à la table d’essai, le numéro du circuit à surveiller. Ceux-ci rentraient immédiatement en écoute sur ce circuit. De plus, ayant la totalité des circuits sur leur table, ils pratiquaient une écoute systématique qui leur a permis d’obtenir des renseignements précieux.

Enfin, le service des abonnements du central était tenu par deux agents Mmes DAURIAC et LACROIX, qui nous ont rendu de grands services, en nous donnant l’identité des organismes prenant en charge les nouveaux contrats d’abonnements, ce qui nous a permis de déceler l’arrivée de nouveaux agents au service de l’ennemi. Nous avons pu également, par des procédés administratifs, utiliser des lignes pour nos services.

De plus, les agents du Contrôle Téléphonique venaient consulter les dossiers des abonnés qu’ils avaient l’intention de surveiller. Mmes DAURIAC et LACROIX nous donnaient la liste, nous connaissions ainsi à l’avance les lignes qui allaient être renvoyées sur la table d’écoute. Les renseignements nous étaient confirmés par la suite, par nos camarades du Central Automatique, qui surveillaient les raccordements demandés par le service du Contrôle. Ces listes étaient communiquées aux divers mouvements.

• Central Téléphonique Automatique :

Au Central Automatique, le groupe était place sous la direction de ALAPHILIPPE, Chef de chantier du constructeur CGCT. Ce groupe, comprenant 5 à 6 unités, pratiquait l’écoute sur les lignes urbaines de la Milice et des services de police, et pratiquait des sabotages techniques et particuliers qui gênaient considérablement le trafic téléphonique sur Toulouse.

De bons résultats ne pouvaient être obtenus que par une cohésion absolue entre un personnel spécialisé, pouvant intervenir à tout instant dans l’installation. Cette cohésion était assurée par un Contrôleur Principal du service qui en plus s’assurait de l’exactitude des renvois des lignes de certains abonnés sur les tables d’écoutes.

• Bureau Gare :

Ce service comportait un noyau particulièrement actif. Il s’occupait du détournement et du retard dans le courrier ennemi. Un de nos amis, BERET, fut arrêté par la Gestapo et son cadavre atrocement mutilé fut rendu à la famille, le 17 octobre 1943. La vue du corps supplicié n’arrêta pas nos agents qui continuèrent leur action.

En plus des renseignements recueillis, ils furent à l’origine du départ précipité de personnes ou de groupes, dont l’activité était connue de l’ennemi, en particulier pour le réseau MORANGE, repéré au « Kentuki-Bar », allées Jean Jaurès, également dans un autre café, au 14 de la rue Matabiau.

Ces agents étaient en liaison avec les autres groupes, soit directement, soit par l’intermédiaire de mes agents de liaison.

• Radiodiffusion Française :

Le personnel dans ce servie était issu des PTT. Le recrutement fut aisé. Basé d’abord sur la propagande et la diffusion, l’action prit une autre ampleur sous l’impulsion de François DEVEZE, Ingénieur qui avait accepté de travailler pour nous (mort en déportation).

Jusqu’à sa nomination à Paris, DEVEZE qui, sauf erreur devait créer la chaîne DUVERNOIS, rassembla, dans les sous-sols de la Direction de la Radio à Toulouse, tout le matériel utilisable pour des postes en graphie et prit ses dispositions pour le mettre en état.

Après son départ, le groupe, qui comprenait FAUROUX, BESSET, DONKERS, LADRIX, continua sa collaboration en complétant le matériel déjà camouflé.

Ce matériel figurait dans la liste du matériel disponible, lorsqu’un Ingénieur du Centre imposa une destruction massive de l’ensemble.

L’action de nos camarades fut ainsi diminuée, mais ils continuèrent à former le noyau de propagande et de renseignements, sur lequel fut basée la protection de la station et des émetteurs. La réorganisation de la station, en accord avec CLEMENT, promu Directeur Régional à la Libération, qui figurait sur nos contrôles, ainsi que HERMANN, celui-ci promu Ingénieur en Chef, équipait pour notre compte un émetteur-récepteur qui ne fut livré qu’après la Libération.

• TSF – Groupe du Colonel LABAT :

Groupe formé par le personnel CSTTE replié dans la région de Toulouse. Il comprenait 33 unités, sous la direction de Maurice AUFRERE, qui était en liaison directe avec le Colonel LABAT, Chef National des Transmissions Clandestines.

La totalité du personnel fut intégrée dans l’Administration des PTT, en novembre 1942, après l’occupation de la Zone Sud. AUFRERE et ses collaborateurs ayant auparavant camouflé un important matériel radio, dont la liste est ci-dessous.

Ce matériel fut déplacé, à diverses reprises, pour éviter sa prise par l’ennemi. En dernier, il fut camouflé à proximité de la Direction de Toulouse. Cet emplacement nous a permis de le remettre en état de fonctionnement, de faire les expéditions dans les divers départements, ainsi qu’aux régions limitrophes (Montpellier, Marseille). Nous eûmes aussi la possibilité de monter un poste, destiné à l’EM Régional FFI, sur un camion prélevé dans le parc PTT. Ce camion, avec son personnel, rejoignit le Maquis du Colonel VICTOR.

Si ce matériel n’a pu être utilisé en entier, c’est que la réserve de lampes, qui avait été camouflée dans une autre région, n’a pu être retrouvée avant la Libération. Pourtant par des achats et par des combinaisons, plusieurs postes furent utilisés dans la clandestinité. Tout ce matériel, récupéré par mes soins, forma, à la Libération, le premier dépôt de matériel TSF de la Direction des Transmissions de la Région.

D’ailleurs, l’importance du matériel en dépôt dans la Région, le nombre et la qualité du personnel y résidant et l’organisation rationnelle du réseau, furent déterminants dans la décision du Colonel LABAT de me désigner comme Chef Responsable de la Zone Sud.

Je tiens à signaler qu’aucun des membres du service créé par le Colonel LABAT ne fut homologué dans notre réseau, alors que des agents d’un autre réseau, qui complètement isolés, vinrent se mettre sous ma direction, en juin 1944, obtinrent satisfaction. Certains noms ne figurent même pas sur la liste qui me fut remise à la Libération. Tout ceci démontre que celui qui s’est intitulé notre Chef National ne pouvait avoir de grandes connaissances sur l’organisation en Zone Nord, en Normandie en particulier, mais qu’il ignorait ce qui se passait en Zone Sud.

• Liste du matériel radio militaire camouflé pendant l’occupation allemande de 1940 à 1945 :

Récepteurs : R 30 27 HR0 10 LEPAUTE 22 SARAM 5

Emetteurs : LOTH 500 watts 1 E 4 2 E 26 ter 10 SARAM 5 E 27 12

Groupes électrogènes 10 KVA 4 Transfo alimentation 15 Appareils de mesure CHAUVIN ARNOUX 20 Polymètres 3 Batteries accus fer nickel 103 Redresseurs secs 10 Lampemètre 1 Voiture Renault ADH Radio 1 Lampes émission radio 280 Lampes réception radio 360 Antenne télescopique 1 Manipulateurs 30 Casques à 2 écouteurs 32

Un outillage complet et très important Archives

• Missions accomplies par les agents du Groupe TSF commandés par AUFRERE :

MM. MAYER, BORDES, LOPEZ, BALANAN, VIGNAL, LACAU, GUILLARD, MOQUE, etc…

1) Camouflage d’un très important matériel radio. Emission, réception (matériel préalablement utilisé dans le réseau radio-militaire de la 17e RM et recherché par l’ennemi, au moment de l’occupation de la Zone Sud).

2) Garde, déplacement et entretien de ce matériel, pendant l’occupation.

3) Fourniture de renseignements importants par interception sur réseau télégraphique.

4) Missions dans les maquis, pour l’installation de stations émettrices et réceptrices, en vue de prendre contact avec les Alliés lors du débarquement (Fonsegrives) et d’autre part en vue de liaisons inter-maquis (Revel, Nérac).

5) Mise en place d’un réseau clandestin de commandement régional.

6) Première prise de contact, le jour de la Libération de Toulouse, avec Rabat, Alger et Paris encore occupé.

7) Fabrication et transformation d’appareils d’émission et essais de ces appareils à Toulouse même, occupée par les Allemands.

8) Montage et installation d’une station émetteur-récepteur dans une camionnette fournie par les PTT. Poste destiné au Maquis VICTOR.

• Stations de lignes à grandes distances :

En plus du personnel sédentaire, Toulouse possédait deux groupes de dérangement qui circulaient en permanence depuis Avignon, jusqu’à la limite de la ligne de démarcation, en direction de Bordeaux et Bayonne.

Le personnel des stations était sous le contrôle direct des Allemands. Ce personnel a rempli son devoir avec courage et en liaison avec l’Ingénieur SIMON de Clermont-Ferrand. Ils surent pratiquer des petits sabotages techniques qui indisposaient les occupants. De plus, dans les stations de Cazères, Montréjeau, Tarbes et Agen, ils canalisèrent les destructions prévues par les maquis et donnèrent tous renseignements sur les meilleurs endroits de sabotage.

Pour Toulouse, le personnel sédentaire, en plus des petits incidents techniques journaliers, relevait sur les cartes, centralisées au centre de dérangement, tous les points susceptibles de permettre une coupure rapide. Ils établissaient un plan qui était remis aux chefs de maquis intéressés.

Les jeunes des Maquis avaient été au préalable instruits par deux de nos agents sur le procédé consistant, lorsqu’on ne possède pas d’explosif, à dégager, scier et isoler un câble.

Nos deux équipes de dérangement ont également effectué un travail particulièrement important. Ayant libre accès sur tout le parcours des câbles, nos camarades, en se rendant sur un point déjà signalé en dérangement, préparaient par un incision ou autre manœuvre un dérangement qui sortirait dans un délai plus ou moins éloigné. De ce côté, sans explosion spectaculaire, leur action a bien gêné l’occupant, ce qui a entraîné des réactions violentes en particulier à Cazères et Agen.

• Receveurs :

Les Receveurs des PTT, dans leur majorité, ont été favorables à la Résistance. Au cours de notre entrevue avec le Colonel LABAT, celui-ci m’avait demandé de créer, en Zone Sud, un organisme, qui pouvait s’intituler le « Trésor », et qui serait chargé de recevoir les fonds des organismes centraux et de les répartir en les comptabilisant parmi les divers mouvements ou maquis.

J’avais donc fait une nouvelle prospection et déjà trouvé un fort noyau, lorsque j’appris l’arrestation de LABAT. Cette idée ne fut pas reprise.

Toutefois, en ce qui concerne les Receveurs qui ont souvent été pris en charge par d’autres mouvements ou des maquis, ils ont toujours eu une action déterminante dans leur secteur.

Ci-dessous, renseignements concernant l’un d’eux.

René JAMMES : Receveur des PTT à Cazères, Haute-Garonne. Sous l’occupation, il fut à l’origine de la création d’une organisation de Résistance dans ce secteur.

Avec GARAUD, Chef de la Station LGD, il eut une grande activité et après le départ de GARAUD, prit la direction du groupe qui en liaison avec Toulouse (MUR) prit une part très active dans la lutte clandestine.

Il avait comme collaborateurs immédiats, sa fille, Mme BOUYQUES, et NICOLAS, qui à la Station de LGD avait pris la succession de GARAUD et qui, dès le retour de celui-ci, reprit les sabotages en liaison avec le maquis que GARAUD (Commandant MARIUS) avait constitué à proximité.

• Service de la Direction :

Dans les Directions Régionales des PTT, le personnel était divisé en deux branches : la branche administrative et la branche technique.

Du côté administratif, grâce à un petit noyau qui comprenait entre autres les Secrétaires des deux Directeurs et le Responsable du Service Automobile, nous avions la possibilité d’obtenir, sans difficultés, la régularisation de la situation des agents résistants, absents de leur service, le déplacement de ceux qui ne pouvaient plus rester dans leur résidence. La totalité du parc automobile était à notre disposition. Nous avons d’ailleurs monté un poste radio sur une camionnette sortie du parc auto.

Nous possédions, également, tous moyens de transport, toutes pièces d’identité et tous laissez-passer, ce qui facilitait grandement le déplacement de notre personnel.

Sur le plan technique, dans le même immeuble, se trouvait, directement sous mes ordres, le magasin et l’atelier régional du Service des installations.

C’est dans ces locaux que se préparaient les expéditions importantes, que se réparait le matériel téléphonique et que fut remis en état le matériel radio, par l’équipe AUFRERE. Ce matériel était ensuite emballé et transporté en camionnette, dans nos divers départements ou au Service Ambulant, pour être convoyé dans les Régions voisines.

• Services Ambulants :

Organisme important qui a rendu de signalés services pour le transport de plis et de matériel.

Dès 1943, sous l’impulsion de MILHAU et sous son contrôle, nous assurions journellement le courrier clandestin, dans les deux sens, avec les Chefs-lieux des départements de la Région, les centres régionaux de la zone, Bordeaux et, lorsque cela nous était demandé, Paris.

Pour faire face à ce trafic, qui empruntait 7 directions différentes, matin et soir, nous avions besoin d’un personnel nombreux. En effet, Toulouse était devenu une Centre du Service Ambulant des PTT, sur lequel de très nombreux agents des gares de Paris s’étaient repliés. Les Services Ambulants, aboutissant à Toulouse, fonctionnaient à deux, trois, quatre et même cinq brigades, selon l’importance du parcours et la durée du déplacement des agents par rapport à leur point d’attache. Cela signifie que pour assurer des liaisons permanentes, dans toutes les directions, deux fois par jour pour certaines d’entre elles, il fallait avoir à disposition une ou deux fois par jour, deux, trois, quatre ou cinq volontaires. Ceux-ci n’ont pas manqué et jamais aucun camarade contacté ne s’est récusé. Sans doute un peu parce que nous connaissions nos gens et leur état d’esprit au regard de l’occupant, mais surtout parce que ce milieu était resté farouchement attaché au Pays et à la République, dans une très grande majorité.

Nous avons toujours rempli nos engagements et le courrier qui nous a été confié a toujours été acheminé et livré dans des délais normaux, même lorsque les communications ferroviaires étaient interrompues.

En raison de la sûreté de nos liaisons, le service du courrier des MUR, dirigé par JOURDA (JACQUEMIN) faisait souvent transiter par Toulouse les plis à destination des autres régions.

Au départ, le courrier était remis par l’agent de liaison du Mouvement à un des agents de liaison qui le remettait à un de nos camarades ambulants. Celui-ci l’apportait à MILHAU. MILHAU faisait effectuer le tri de chacun des paquets qui lui étaient remis et préparait les envois vers les diverses destinations.

L’agent chargé du transport allait au wagon, camouflait son matériel s’il n’était pas volumineux, si non le travail était préalablement exécuté par MILHAU et ses collaborateurs. Et en cours de route, cet agent distribuait ses paquets aux correspondants qui attendaient son passage.

Dans d’autres cas, il quittait le convoi pour porter lui-même son pli à la boîte désignée ou le remettait à un agent déjà connu ou enfin il le remettait à un de ses collègues d’un autre centre, Marseille, Lyon ou Bordeaux, qui se chargeait de l’acheminement jusqu’à l’extrémité de la ligne.

Je parle du transport du courrier, en réalité les tracts, les journaux, les fonds et les armes suivaient le même chemin, avec des dispositions différentes, suivant l’importance de l’envoi.

Il nous est arrivé d’utiliser, dans certaines directions, un camion pour un transport urgent ou volumineux, comme nous le faisions quand les relations ferroviaires étaient coupées.

Pour Toulouse, une seule liaison était assurée, en permanence, par voiture postale, la ligne Toulouse – Auch. Dans d’autres départements, plusieurs camions circulaient journellement.

Dans ces départements, Gers, Lot-et-Garonne, en particulier, le service de voitures postales était organisé, par nos soins, de façon à desservir les localités occupées par les maquis. Elles étaient utilisées par ceux-ci pour le transport et les liaisons.

• Central Télégraphique :

Les liaisons télégraphiques clandestines, dans la Zone Sud, ne purent être définitivement établies qu’après plusieurs voyages dans chacun des départements et dans chaque Chef-lieu de région. Mais comme dans tous les services, le climat était favorable et je reconnais que si le recrutement fut assez facile, la mise au point fut plus délicate.

Par l’intermédiaire de DULAC, Responsable des Liaisons Télégraphiques et Téléphoniques, Toulouse fut mis en rapport successivement avec Marseille, Lyon, Clermont-Ferrand, Limoges, Montpellier et les Chefs-lieux départementaux de la Région, soit, Auch, Montauban, Albi, Cahors, Agen, Tarbes et Pau.

Au début, des messages télégraphiques n’étaient transmis que dans les cas urgents. L’efficacité du système ayant été clairement démontrée, il s’avéra rapidement nécessaire d’établir un service permanent pour pouvoir faire face au trafic qui n’était peut-être pas très important, mais qui intervenait à n’importe quel moment. Chaque central télégraphique comportait en principe une équipe de quatre opérateurs (deux par brigade), pour la plupart dirigeurs d’appareils rapides. Cette fonction leur permettant de circuler librement dans la salle des transmissions et d’utiliser n’importe quel appareil, sans trop attirer l’attention.

Les correspondants étaient appelés sous leur vrai nom. En effet, pour éviter les réactions, les pseudos n’étaient pas utilisables. Un incident nous avait alertés, dès le début des liaisons. Le Responsable de Marseille, CODACCIONI, ayant demandé celui de Toulouse et n’ayant pu le toucher, devant l’urgence du message, avait demandé GARNIER, pensant que le nom du réseau alerterait quelqu’un. Il n’en fut rien. Au contraire, la Direction Départementale, questionnée, répondit qu’il n’y avait pas d’agent portant ce nom dans les services.

Nos camarades travaillaient donc sous leur identité, c’est ce qui fut la cause d’arrestations, car un de ceux-ci, arrêté à Clermont-Ferrand, avait par mégarde conservé les noms de ses correspondants, dans sa blouse de travail.

Les messages étaient généralement libellés en langage convenu, il y en eut de chiffrés, rarement en clair. Ces derniers étaient les plus graves et les plus urgents. L’un deux, à titre d’exemple, transmis de Clermont-Ferrand : « Affaire de compresseur cartoucherie donnée par chef d’équipe X. Portes A, B, etc… seront bouclées, aviser d’extrême urgence ». Le compresseur ne sauta pas. Bien entendu, les messages n’étaient transmis qu’après avoir reçu, des deux côtés, un préambule codé.

Nous avons là aussi rencontré certaines difficultés techniques, en particulier sur les liaisons passant en transit dans les bureaux où notre réseau n’avait pu créer un permanent. Toutefois, il n’y eut pas d’incidents sérieux de ce côté.

Au début 1944, des auxiliaires venant de la Milice furent engagés au central de Toulouse, malgré la réaction du Chef de Centre qui appartenait au réseau. Notre action continua et même s’accentua, puisque j’avais réussi une liaison avec Paris.

Le 21 juin 1944, Toulouse, après Clermont-Ferrand, connaissait les arrestations. Notre réseau télégraphique fut décimé dans toutes les régions. Certains de nos camarades purent éviter l’arrestation, les autres furent déportés et bien peu revinrent.

Etat Major - Chef : FOURNIE dit GARNIER

Ma tache fut facilitée, d’une part en raison de l’appui sans réserve de mes chefs : ROUVIERE, ROUANET, DENARD, de celui d’un autre fonctionnaire, WEILL, qui ne resta que quelques mois à Toulouse, mais aussi à cause du dévouement des amis qui m’entouraient et qui surent, chacun dans leurs attributions, grouper le nombre d’agents nécessaire et mettre au point et ensemble qui put faire face à toutes les demandes.

NICEPHOR : Chargé plus particulièrement de la propagande et de la diffusion, organisa les Services Postaux à la Recette et au Bureau de Gare.

MILHAU : A organisé le transport régional et interrégional des messages et du matériel. Arrêté, par la Gestapo, le 24 juillet 1943, libéré le 24 septembre 1943, a repris ses fonctions dès sa sortie de prison, pour obtenir les résultats signalés par ailleurs.

DULAC : Responsable des Communications Electriques, Télégraphiques et Téléphoniques. A réussi à éviter son arrestation, le 21 juin, jour de la rafle des télégraphistes, au Central de Toulouse. A rejoint le Maquis de VACQUIERS (Haute-Garonne). Sa femme a été emprisonnée du 21 juin au 22 juillet 1944.

AUFRERE : Responsable Radio qui réussit à sauvegarder tout son matériel, à mettre un certain nombre d’émetteurs en parfait état de fonctionnement.

MARQUE : Responsable des câbles LGD, par l’intermédiaire duquel je faisais passer mes instructions au personnel de Toulouse et aux stations de la Région.

Le personnel se composait de deux dactylos, d’un agent de liaison féminin et d’un chauffeur.

Chaque département de la Région possédait une organisation similaire, placée sous la responsabilité d’un résistant éprouvé.

Tarn : LAUR, Chef d’équipe à Albi, Responsable « COMBAT ». Arrêté en gare de Gaillac, en prenant livraison d’un lot de journaux (Déporté) – Remplacé par AZALBERT, Contrôleur IEM à Albi.

Tarn et Garonne : MERIC, Chef d’équipe à Montauban.

Lot : METGES, Conducteur d’auto. Vécut plusieurs mois dans le maquis. Sa femme, arrêtée, est décédée en déportation.

Lot et Garonne : DUTAIN, Chef de centre de lignes à grandes distances à Agen. Agent homologué également par BRUTUS.

Gers : JAM, Agent Principal de Surveillance. Remplace le responsable « LIBERATION », déporté et devient membre du Directoire Départemental des MUR.

Hautes-Pyrénées : DUPOUY, Contrôleur au Central Télégraphique de Tarbes. Homologué au réseau.

Basses-Pyrénées : BORDELONGUE, Contrôleur à la RP de Pau, devint Chef départemental de la Résistance, pour les Basses-Pyrénées. Fut alors remplacé par BOMPUNT, Contrôleur au Central Télégraphique.

Ariège : MICHAUD, Contrôleur au Central Téléphonique de Foix. Fut nommé membre du Comité de Libération.

Personnellement, au cours de mes déplacements, j’ai connu tous les inconvénients des voyages de cette époque. J’ai attendu vainement à des rendez-vous manqués, j’ai frappé à des portes de locaux dont les occupants venaient d’être arrêtés, j’ai circulé en période de couvre-feu sans trop de mal.

J’ai même été arrêté deux fois. Une fois, à Toulouse, lors d’une rafle effectuée par la Milice. Un dimanche après-midi, je me rendais chez AUFRERE, Responsable Radio, pour la dernière mise au point des horaires fréquences et codes préparés pour les émetteurs que nous mettions en lace dans la Région. Je fus arrêté, dans une petite rue dans laquelle j’étais passé pour éviter les mauvaises rencontres, car je transportais les documents.

Devant mon assurance et les pièces officielles que je lui présentais, le soi-disant commissaire me laissa repartir sans m’avoir fouillé. Mais j’avais assisté à l’arrestation de quelques jeunes gens qui ne s’étaient rassemblés que pour discuter de l’organisation d’une matinée artistique.

La deuxième fois, ce fut à l’entrée d’Agen, devant le portail de la Caserne Toussaint. Nous venions de Toulouse, en voiture, et nous étions cinq, deux radios, l’agent de liaison, le chauffeur et moi. Nous nous rendions au Maquis de Nérac, pour la mise en place de l’émetteur radio et de son personnel. Le matériel était déjà livré, nous ne transportions que les documents (horaires et codes). Par intuition, certainement, le chauffeur, pour une fois, avait glissé les enveloppes dans le capitonnage au-dessus de sa tête.

Ceci se passait le 18 août 1944, veille de la Libération de la Région, et une voiture contenant trois officiers allemands avait été détruite au cours de la nuit, à proximité. Nous arrivâmes vers 9 heures du matin, notre teint hâlé, notre comportement ont dû attirer l’attention, car sitôt stoppés nous fûmes entourés de soldats en armes. Notre voiture fut fouillée, de fond en comble, et ensuite, on nous conduisit, sous escorte, dans un bâtiment situé au fond de la caserne. Après un interrogatoire général qui dura plus de deux heures, sans trop de violence, puisqu’il se solda par deux gifles, nous fûmes autorisés à poursuivre notre route.

Nous avons vécu de longues minutes d’angoisse, car chaque nouveau bruit de pas dans le couloir nous laissait supposer que nos papiers avaient été découverts et que notre sort était réglé. Pourtant, est-ce peut-être l’affolement au moment du départ précipité, on nous libéra et j’ai pu obtenir du commandant d’armes qu’il me remette les papiers de la voiture qui avaient été confisqués. Notre mission à Nérac fut accomplie.

Enfin, en juin 1944, au moment de l’arrestation de nos camarades du Central Télégraphique, la Gestapo se présenta deux fois à mon domicile pour procéder à mon arrestation. Ce fut ma femme qui par son sang-froid leur interdit, à chaque visite, l’entrée de l’appartement. Une autre fois, ils se présentèrent à mon bureau à la Direction Régionale. Un de nos agents m’attendit, au bas des escaliers, pour me prévenir de leur présence. Afin d’éviter une erreur, je suis tout de même monté à l’étage et passant entre eux deux, dans le couloir central, et sortis par le deuxième escalier.

Notre réseau formait donc un tout. Parti comme tous les autres sur la base de la propagande, tous nos agents, sans exception, ont participé au transport et à la distribution de tracts et de journaux (COMBAT, LIBERATION, MOF, Libérer Fédérer…).

Par la suite, leurs attributions furent plus précises. Ils continuèrent néanmoins à participer à la diffusion et ceux qui étaient en contact permanent avec les occupants (LGD et Radio en particulier) ont accompli, auprès des boches, une œuvre de démoralisation dont il faut également tenir compte.

De plus, nous sommes intervenus avec succès en diverses circonstances ; par exemple, nous avons pu dépanner « LIBERATION » qui n’avait plus d’imprimeur. Je fis les démarches nécessaires et j’organisais la sortie des journaux et leur transport à Toulouse depuis Carmaux, où se trouvait l’atelier d’impression. Quelques jours avant la Libération de notre Région, BAYLOT devait se rendre à Pau, pour y prendre ses fonctions de Préfet. Les relations ferroviaires étant coupées, il serait resté en panne à Toulouse. Nous organisâmes un convoi postal et BAYLOT put ainsi rejoindre son poste, après avoir traversé, sans trop de difficultés, quelques barrages ennemis.

Un réseau téléphonique de sécurité a été créé par un de nos agents autour du Maquis DMR qui s’était installé dans le Tarn. Ces liaisons qui fonctionnaient sur le réseau public, sans trop l’incommoder et en assurant le secret des communications, a rendu de grands services dans ce secteur (aucun de nos camarades du Tarn n’est homologué).

Enfin, étant en liaison permanente avec les réseaux sur tous les points de la Région, nos agents ont participé à quelques parachutages et à presque tous les sabotages. Pour ces derniers, ils y ont participé effectivement ou ils ont fourni des renseignements pour la préparation du coup de main.

Sur le plan général, je recevais directement les instructions du Chef Régional FFI, d’abord RIVIER, ensuite RAVANEL. J’ai également collaboré très étroitement à l’action de RODRIGUE (ROSE), Responsable de l’application du Plan VIOLET.

Cette action clandestine nous a permis de posséder, à la veille de la Libération, un réseau qui pouvait sans transition s’assimiler immédiatement à un organisme militaire des transmissions. Cette éventualité avait été mise au point, car jusqu’à l’annonce des combats sur la côte provençale, suite à certaines indiscrétions, nous avions cru à un débarquement possible près de notre région. En tous cas, nous n’avons jamais songé à une évacuation aussi rapide de l’armée ennemie d’occupation et nous étions prêts à participer avec toutes nos forces aux combats de la Libération.

FIN DE TEMOIGNAGE

EN GUISE DE CONCLUSION

« Fin 1943, les structures clandestines à vocation postale couvraient la totalité de la région. Son chef régional, M. Fournié, coordonnait l’action des responsables départementaux qui, à leur tour, coiffaient des sections locales. Le réseau PTT disposait alors d’antennes dans tous les services de la région : directions, services téléphoniques, télégraphiques et bureaux de poste, ainsi que d’étroites relations avec les résistants travaillant dans les services ambulants qui échappent à toute classification régionale ».

"Comme cette organisation clandestine s’était mise à la disposition des mouvements de résistance de la région (notamment Combat), auxquels elle faisait parvenir les informations détournées, elle se transforma progressivement en un véritable service postal clandestin à l’usage de la Résistance ».

Les Résistants P.T.T, sous l’occupation eurent de nombreuses victimes que les historiens chiffrent à : 800 tués et 1.500 déportés.

Pour leur activité sous l’occupation, les Résistants P.T.T., seront cités à l’Ordre de l’Armée.

Cette citation, signée par le Général de Gaulle, à Paris le 16 octobre 1945, comporte l’attribution de la Croix de Guerre.

Histoire de l’Union Départementale CGT- Force Ouvrière de la Haute Garonne. Avec l’aide et la contribution de Sylvette Gaillard-Dauriac, syndicaliste CGT-FO-PTT et Secrétaire Général de l’Association pour le Musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse.

Georges Portalès, syndicaliste CGT-FO : Membre de l’Association pour des Etudes sur la Résistance Intérieure, Toulouse le 17 mars 2010. georges.portales@numericable.fr

Texte mis en ligne le 22 Mars 2010