MAI 1968 ET SES CONSEQUENCES

, par udfo31

En mars 1968, les étudiants entamèrent un mouvement pour l’amélioration de leur condition de vie, la mixité entre garçons et filles au sein de la même université ; ils s’opposaient également à la guerre au Vietnam. Ils créèrent le « Mouvement du 22 mars ». D’assemblées générales en assemblées générales, l’agitation prit une ampleur nationale ; à sa tête, Daniel Cohn-Bendit (1). Les étudiants occupèrent l’Université de Nanterre, certains furent arrêtés. Les affrontements entre policiers et manifestants commencèrent en avril. Le mouvement gagna également la ville rose.

Le 3 mai, les étudiants envahissent la Sorbonne : on en dénombre trois milles aux abords de l’établissement. A Nanterre, des échauffourées ont lieu entre l’armée et les jeunes. A la veille des examens, le Quartier Latin est en effervescence. La manifestation, prévue le 6 mai à la Sorbonne, est le théâtre d’un affrontement violent : des barricades sont dressées et les CRS embarquent les jeunes et les passent à tabac.

Dans la soirée, de sérieux conflits opposent les étudiants aux forces de l’ordre. Le Boulevard Saint Michel et le Quartier Latin sont en état de siège. En criant : « CRS…SS », de petits groupes d’étudiants très mobiles se dispersent pour ensuite revenir à la charge. Ce jour-là, je me trouvais à Paris : ma curiosité l’emporta et je me rendis sur les lieux. Comme beaucoup d’autres, je fus le témoin de ces évènements. A distance, je constatais l’ampleur de la bataille : voitures en feux, barricades, courses effrénées pour échapper aux tirs des grenades à lacrymogène. Courageux mais pas téméraire, je pris la direction de la Gare d’Austerlitz, afin de prendre un des rares trains de nuit pour Toulouse.

Le 7 mai devant l’aggravation de la situation, le Bureau Confédéral de la CGT-FO déclare « suivre avec inquiétude les événements qui perturbent gravement la vie universitaire. Il réprouvait « les excès de meneurs irresponsables et les violences qui en résulte. » Même s’il ajoutait « comprendre l’inquiétude des jeunes », il indiquait que la violence n’était pas le moyen de parvenir aux solutions souhaitées ».

La presse titre « après les troubles qui ont fait plus de huit cents blessés, nouveau déferlement d’étudiants à Paris… Bagarres à Toulouse… On compte une vingtaine de blessés… Les graves incidents évoqués à l’Assemblée Nationale. » La radio et la télévision nationale étaient exclusivement entre les mains du pouvoir. RTL retransmettra pour la première fois les évènements en direct.

Le 10 mai, en réponse à l’occupation de la Sorbonne par les forces de l’ordre, Cohn-Bendit donne la consigne d’occuper le Quartier Latin : c’est le début d’une nouvelle nuit de violence.

Le 13 mai, les syndicats profitent du mouvement pour demander des augmentations de salaire : une grève générale paralyse le pays. Le chef d’État, le Général Charles De Gaulle est alors en voyage à l’étranger et c’est Georges Pompidou, le Premier ministre, qui propose de dissoudre l’Assemblée Nationale afin d’organiser de nouvelles élections. Le pouvoir est dans la rue : les étudiants vont à la rencontre des ouvriers… Ils sont contre le capitalisme et contre le communisme. Le Premier ministre condamne les manifestations étudiantes et les manipulations de l’extrême gauche ; les grilles des usines Renault seront défendues par les grévistes et resteront fermées aux étudiants.

À Toulouse, le quarantième congrès de la Fédération des Employés et Cadres de la CGT Force Ouvrière se termina en catastrophe (2) : Marius Allègre fut réélu Secrétaire Général, Yves Simon à la Section Fédérale des Organismes Sociaux, Marc Blondel à la Section Fédérale des Organismes Sociaux Divers, Roger Froment à la Section Fédérale du Commerce et je fus moi-même élu membre de la C.E. Fédérale et Délégué Régional du Commerce.

A noter que le commerce non-alimentaire dépendait de la Fédération des Employés et Cadres ( F.E.C.)et le commerce alimentaire de la Fédération des Travailleurs de l’Alimentation et de l’Agriculture (F.G.T.A.) Pour notre part nous regroupions les deux secteurs en un seul syndicat tout en respectant la ventilation des timbres et cartes.

Premier mai 1968

Le premier mai, l’U.D.F.O. et les groupements constituant l’alliance syndicale en exil se réunirent dans le cadre d’un meeting d’information au Ciné Espoir de Toulouse. La Dépêche du Midi du 2 mai rendit compte de cette réunion, tenue avec nos camarades espagnols. « André Bergeron apporta le salut de la Confédération FO et de la Confédération Internationale des Syndicats Libres ; il rendit hommage aux syndicats espagnols et déclara également qu’à l’avenir, l’Espagne ne pouvait laisser personne dans l’indifférence : il s’agissait de penser à la succession du Caudillo. Cependant, la démocratie ne pouvait être mise en place dans les conditions connues par le passé. Au regard des Pays de l’Est, il se félicita de la rupture avec l’unité syndicale et de la création de la Confédération Internationale des Syndicats Libres. André Bergeron évoqua l’aide aux Pays sous-développés et plaida pour une politique économique et sociale plus juste.

Les orateurs espagnols protestèrent également contre l’attitude d’une presse qui stigmatisait l’action des « commissions ouvrières », tolérées par Franco ; ce dernier voulait faire diversion à l’opposition classique, constituée par l’U.G.T., la C.N.T., et la S.T.V, les responsables de l’opération du premier mai en Espagne, dont les syndicalistes attendaient beaucoup. Parmi les personnalités présentes, Pasqual Thomas, secrétaire général de l’U.G.T., M. Miuno, secrétaire général adjoint de l’U.G.T. »

La Dépêche du Midi du 2 mai 1968 fit état « des journées de luttes en Espagne ».

Toulouse fut la capitale de l’exil républicain espagnol ; l’Union Départementale de la C.G.T.-Force Ouvrière accueillait en effet les camarades de l’U.G.T. et du P.S.O.E.. Pascual Thomas et Felipe Gonzalez tinrent de nombreuses réunions à l’U.D. ; son secrétaire Pierre Barthès était toujours prêt à accueillir chaleureusement ses camarades, comme le fera son successeur Maurice Gendre. De nombreux « premiers Mai » furent organisés avec nos camarades espagnols.

À l’U.D., Je rencontrais Rodolpho Llopis, ancien député de la République Espagnole, avec qui j’eus l’occasion de m’entretenir de la guerre d’Espagne et de ses lendemains. Ce dernier avait tenu à prendre symboliquement sa carte au syndicat du commerce. Dans nos rangs comptaient également la camarade Louise Cassérès, déléguée FO au magasin Printafix et l’une des responsables de l’Union Générale des Travailleurs espagnols. Elle faisait partie, comme beaucoup d’autres, des deux Organisations syndicales et faisait tirer les tracts de l’UGT par nos camarades FO-PTT.

Je passais le mois de mai partagé entre Paris et Toulouse ; d’une part, pour participer aux nombreuses réunions paritaires de SINGER S.A. (3) où j’assurais la fonction de Représentant Syndical CGT-Force Ouvrière au niveau du Groupe, d’autre part, pour assurer mes responsabilités à Fédération des Employés et Cadres. Je profitais de mes déplacements à Paris pour rencontrer les délégués de cette entreprise.

Durant mes séjours dans la capitale, Roger Froment me demanda de l’assister. Nous ferons la tournée des grands magasins afin d’y tenir des réunions syndicales. Nous nous rendrons également au Ministère du Travail où eurent lieu des Réunions Paritaires Mixtes du Commerce. Pendant ce temps, les étudiants incrustaient toujours les piquets de grève : Pour notre part, nous avions pratiqué le dialogue, expliquant que la grève dans les magasins était l’affaire des syndicats.

A cette époque, j’avais élaboré un avant-projet de convention collective du commerce de la machine à coudre que je soumis à Roger. Ensemble, nous traiterons avec la Chambre Patronale, dont le P.D.G. SINGER, était le Président, (ceci en commission paritaire nationale). Cette négociation dura plusieurs années, pour enfin aboutir, le premier juillet 1973, à sa signature : celle-ci est toujours en application.

À Paris, je me rendais parfois au siège de la Confédération, situé au 198 avenue du Maine ; les camarades de la Fédération des Travailleurs de l’Agriculture et de l’ Alimentation et moi-même voulions faire le point sur l’évolution de notre implantation dans les hypermarchés de Toulouse et la Région (4).

Dans son éditorial, André Bergeron écrit : « Dés le début du mouvement, les organisations Force Ouvrière ont assumé leurs responsabilités avec sérieux et résolution. Elles se sont opposées à tout ce qui pouvait provoquer la violence… Elles ont maintenu la grève sur un plan strictement syndical… Des avantages substantiels ont été obtenus, d’abord lors des « discussions de la rue de Grenelle » et ensuite au niveau des entreprises nationalisées, de la fonction publique et du secteur privé, des augmentations de salaire importantes ont été consenties… Le patronat a admis que la durée du travail ne relève pas seulement de la conjoncture mais aussi des conventions collectives. Des évènements sortiront un renforcement du droit syndical, des garanties dans le domaine de l’emploi et de la formation professionnelle. Toutes sortes d’autres revendications ont été satisfaites qu’il est impossible d’énumérer en quelques lignes. (…) Nos militants peuvent être satisfaits des résultats obtenus. Nous sommes fiers de leur comportement. Grâce à eux, notre mouvement compte des dizaines de milliers d’adhérents nouveaux : d’autres suivront. La Confédération Force Ouvrière sort renforcée. Plus efficace que jamais, elle poursuivra son action dans la voie du syndicalisme libre (5) ».

À propos du mouvement étudiant, Pierre Galoni, membre du Conseil Supérieur de l’Éducation Nationale et secrétaire confédéral de la CGT-FO chargé de la formation, écrit : « Il est grand temps que les facultés soient plus largement ouvertes aux fils des travailleurs, que le pourcentage des échecs y soit moins élevé, les conditions de travail meilleures, les méthodes pédagogiques rénovées. Il est grand temps que l’université réapprenne à bien penser (…). Des réformes profondes s’imposent qui ne sauraient s’appliquer sans consultation préalable du syndicalisme étudiant. (…) l’Université nouvelle est une garantie d’humanité. Ne la laissons pas devenir le champ clos de l’inhumanité (6) ».

À Toulouse, comme dans tout le pays, ce fut la paralysie : pas ou peu d’essence, pas ou peu de transports collectifs, de rares denrées alimentaires. Si le mouvement étudiant nous avait paru au départ fondé, il devenait de plus en plus « nébuleux » : je participai à une réunion tenue à l’amphithéâtre de la Faculté de droit. Débutée avec des revendications somme toutes légitimes, les étudiants voulaient refaire le monde et avaient des idées bien arrêtées. Ils vinrent à l’U.D nous proposer de créer un Comité « Patate » ; les denrées alimentaires commençant à se faire rares …, ils avaient imaginé affréter des camions afin de faire la tournée des fermes et ramener à Toulouse, volailles, fruits et patates. Pierre Barthès, secrétaire de l’Union Départementale, les reçut gentiment mais les mit en garde contre l’aspect « utopique » de ce projet.

L’Union Départementale était en effervescence. De nombreuses réunions eurent lieu, à toute heure de la journée et même tard dans la nuit : notre camarade Joseph Courrieu assura une permanence de nuit ; il m’arriva d’effectuer cette tâche entre midi et deux. Nos camarades venaient aux informations : André Bergeron, très inquiet de la situation, téléphonait régulièrement car il craignait que l’Union Départementale ne se laissât influencer par les comités mixtes, notamment par les étudiants. J’eus moi-même l’occasion de lui répondre et de le rassurer : « À Toulouse tous les syndicats suivent les consignes Confédérales ».

Maurice Gendre qui avait la charge de la Fédération Syndicaliste des P.T.T. passait une grande partie de son temps dans les réunions, les assemblées générales et les rencontres avec les directions des Postes et des Télécoms. Il fallait présenter les revendications légitimes des salariés et préserver l’Outil de Travail. Il me raconta qu’une nuit, il fut réveillé par un appel : la CGT menaçait d’envahir le central téléphonique. Il fit alors stopper cette tentative(sic) (7). [ A mon avis il s’agissait d’éléments incontrôlés].

Nos camarades de l’EDF-GDF, Georges Monticelli, Raymond Stramare, Robert Danis, Jean Garrigues (de la défense nationale) s’étaient joints au groupe. Ils feront ensemble un travail de propagande remarquable, distribuant des tracts dans la ville de Toulouse et appelant les salariés à se syndiquer. Le secrétaire administratif de l’UD Michel Payen et moi-même recevions des salariés du secteur privé qui voulaient mettre en place des sections syndicales. Le secrétaire général de l’UD Pierre Barthès rédigeait des circulaires et des tracts que notre dactylo, madame Teste, mettait en forme. Michel Payen, Joseph Courrieu et moi-même tirions les tracts à tour de rôle.

Les étudiants mirent feu à la porte d’entrée de la mairie de Toulouse et plantèrent un drapeau noir au balcon du Capitole. Ils s’attaquaient alors au symbole de la Démocratie et de la République. Des affrontements violents eurent lieu rue Valade. Près de la place Saint-Pierre, les forces de l’ordre, aux abords de la faculté des sciences sociales, les étudiants. Prudents, nous avions fermé les portes de l’U.D. Notre siège se situait exactement au centre des affrontements. Du premier étage, nous (8) assistions aux échauffourées, prêts, le cas échéant, à ramasser les blessés. Fort heureusement, il n’y en eut pas un ce jour-là.

Le 17 mai, l’assemblée générale de l’O.R.T.F. se tint à Paris et lança un mouvement de grève illimitée (9).

Le 19 mai, à son retour d’Allemagne, le Général De Gaule retrouva une France insurgée ; la crise sociale s’était étendue à Toulouse et une grève totale débuta à la SNCF. Le mouvement ouvrier se propageait d’heures en heures et tout le pays fut paralysé. Deux millions de travailleurs débrayèrent. Dans les facultés, dans les lycées, dans les usines, dans les bureaux, dans la rue, toute la France s’agitait… Lors d’une conférence de presse, le Général déclara : « La réforme oui, la chianli non (10) ».

Les Journalistes de l’ORTF menèrent une action exemplaire pour la liberté de la presse audiovisuelle : en grève illimitée, ils demandaient la levée de la censure gouvernementale. La crise sociale du mois de mai posa un grave problème politique ; à Paris en effet, on faisait la queue devant les banques, les épiceries, les postes à essence…

Le 27 mai, la gauche non-communiste organise un grand rassemblement contestataire au stade Charlety à Paris. A la tribune, jacques Sauvageot, vice-président de l’U.N.E.F.dira : « […] mais nous ne croyons pas aujourd’hui que la violence serait une arme efficace. »

30 Mai : A la contre-manifestation Gaulliste qui eut lieu place de la Concorde, un jeune homme, chevelue prénommé Nicolas, harangua la foule. Aujourd’hui, comble de paradoxe, il veut tourner la page de Mai 68, tout en citant Jean Jaurès dans ses discours !!!

De nos contacts avec les étudiants, naîtrons des relations régulières. L’U.D tirera même, des tracts pour les étudiants de l’U.N.E.F : de la tendance qui deviendra l’U.N.E.F.-I.D. Sauvageot, vice-président de l’UNEF, était l’un des leaders de Mai 68 avec Alain Geismar et Daniel Cohn –Bendit.

Nos camarades Force Ouvrière des Transports Toulousains, S.T.R.T. occupaient et bloquaient le Dépôt qui était situé au 45 rue Casanova. Davensac secrétaire du Comité d’Entreprise, Gaston Mader, tous deux membres de la Commission Exécutive de l’Union Départementale et Vigneule, Secrétaire du Syndicat. prirent une part active lors de ces grèves qui durèrent une bonne partie du mois de Mai.

Aux Chèques Postaux, rue Palaprat, les 1.500 salariés, pour la majorité des femmes, étaient en grève illimitée. C’est notre camarade Suzane Montary qui conduira cette grève pour Force Ouvrière. A la Comptabilité Régionale des PTT, rue Camichel, Sylvette Gaillard-Dauriac, secrétaire CGT-FO, lançait, en inter-syndicale, une grève illimitée à compter du mardi 21 mai.

Les Revendications sont les mêmes : Augmentation des salaires, Abaissement de l’âge de la retraite, réduction de la durée du travail, Défense de la sécurité sociale, extensions des droits syndicaux.

A Sud Aviation, la grève de mai 1968 initiée à Nantes et Saint Nazaire s’étend à Toulouse : Les usines sont occupées. C’est durant cette période que Lucien GUITOU de Toulouse , Charles CHIRON de Marignane , ZENI de Cannes et Yvon ROCTON de Nantes, mettront la pression syndicale pour accélérer le processus de négociation qui avait commencé avec la direction de Sud Aviation. Ils rédigent un projet et proposent alors les premiers textes du futur accord société. A Toulouse André MONTANE, Lucien BRUN , Jean MASSE , Joseph BRESSE et Raymond PAMBRUN qui sont les responsables syndicalistes FO de l’époque, en profitent, (au moment où la CGT, demande de reprendre le travail, sans rien avoir obtenu) pour déclencher une campagne d’adhésion qui fera de Force Ouvrière la première organisation syndicale à L’AEROSPATIALE futur AIRBUS.

En 1969, aux usines de Toulouse, la grève des machinistes dure un mois, elle aura pour effet d’accentuer le rapport de force et de faire avancer la négociation. Enfin, les Accords d’entreprise seront signés avec la direction de la SNIAS en octobre 1970.

Ces accords ont été améliorés au fil du temps pour devenir aujourd’hui « Les Accords Société AEROSPATIALE-AIRBUS » : Ces accords sont une référence dans le secteur de la Métallurgie.

Avec le renouvellement des générations et l’arrivée de jeunes syndicalistes, Force Ouvrière deviendra majoritaire aux élections professionnelles et en 1972, la CGT perdra le Comité d’Entreprise.

Les Usines d’aviation de Toulouse s’appelleront, successivement la SNCASE, Sud-Aviation, SNIAS, l’Aérospatiale puis AIRBUS

* En1968, André Montané et Jean Massé étaient membre de la C.E. de l’Union Départementale. Raymond Pambrun était Secrétaire Général adjoint.

Ce texte a été réalisé avec la participation de Maurice GENDRE, ancien Secrétaire Général de l’UD FO 31 et Secrétaire Général des Retraités - Georges MONTICELLI, Secrétaire du Syndicat FO EDF-GDF - Jean MADER, FO SEMVAT - Sylvette GAILLARD-DAURIAC, FO PTT - Raymond BARBAROU, FO CHEMINOTS - Bernard MACABIAU, FO AEROSPATIALE...

ANNEXES

Les évènements de mai et juin 1968 vus au travers de La Dépêche du Midi.

Communiqué paru le 21 mai 1968 :

Les cheminots de Force Ouvrière, sans démagogie mais avec ténacité : « Le syndicat des cheminots Force Ouvrière se félicite de la prise de conscience des jeunes, confrontés à la société dite de consommation et salue les travailleurs en lutte. Demande à chacun de faire preuve d’initiative et de fermeté, quels que soient ses interlocuteurs ; s’oppose à toute tentative de provocation. Et rappelle les revendications essentielles de notre corporation :
  augmentation des salaires, retraites et pensions ;
  réduction de la durée du temps de travail ;
  respect des droits syndicaux ;
  profit à tous les travailleurs du fruit de la modernisation. Le caractère positif de son action ainsi que son souci de protéger les cheminots contre les incertitudes de leur carrière ne se sont jamais démentis. Nous poursuivons résolument notre action sans démagogie inutile et trompeuse avec ténacité, saisissant toutes les occasions qui s’offriront à nous pour faire aboutir nos revendications. Le syndicat des cheminots de Toulouse demande à tous de rester unis et vigilants. Notre lutte sera efficace si nous savons nous opposer à l’autorité patronale : la puissance de l’organisation syndicale.

Le 25 mai :

  si le pays ne lui donne pas un nouveau blanc-seing De Gaulle menace de se retirer.
  Négociations syndicales Patronat-Gouvernement aujourd’hui à 15 heures.

Le 27 mai :

Gouvernement syndicats : les négociations accrochent.

Le 28 mai :

  Les grèves continuent.
  La grosse majorité des salariés estiment insuffisants les concessions du Gouvernement et du patronat.
  cinquante mille étudiants et ouvriers au stade Charlety. 116 journalistes de la TV disent pourquoi ils font grève (11).

« Nouvelles Galeries et Monoprix, le vote ajourné », le 30 mai :

La crise arrive à son point culminant. Est-ce le prélude à un départ définitif ? De Gaulle à Colombey. Pompidou seul essaie de lutter contre le courant qui entraîne le gouvernement à la dérive. (…) imposante manifestation ouvrière. Les gaullistes envisagent une manifestation place de la Concorde. Les mouvements de grève continuent. Le point des négociations
  Fonction publique. Discussions remises à cet après-midi.
  Charbonnages : les mineurs demandent la reprise du travail.
  S.N.C.F. : pas de nouvelles rencontres.
  Métallurgie : pas d’accord.

Un démenti de Force Ouvrière dans le même numéro : Des informations de radio ont laissé entendre que les organisations force ouvrière donneraient des ordres de reprise du travail là où des accords seraient réalisés. Ces informations sont d’autant plus inexactes que pratiquement aucun accord n’a été conclu dans aucun secteur. La Commission exécutive Nationale, convoquée pour le samedi premier juin, fera le point de la situation et arrêtera les directives qui seront données aux organisations Force Ouvrière.

Le 31 mai :

  De Gaulle reste et dissout l’Assemblée Nationale.
  Les syndicats : « La grève continue jusqu’à l’aboutissement des négociations ».
  Foule très dense à la manifestation de la Concorde (G.P. Nicolas […] harangue la foule).
  La Fédération F.O., conteste les informations du ministère. Le Bureau National de la Fédération syndicaliste des P.T.T.- F.O conteste toutes informations données par le canal administratif et concernant la revalorisation des traitements et autres mesures. Il s’agit en réalité, dit le bureau fédéral, d’une entreprise de dilution de la grève, menée par le ministre des P.T.T., après l’échec de ses précédentes tentatives et des provocations pour la briser. Les négociations à la fonction publique ont été suspendues mercredi matin 29 mai à 0 heure quarante cinq. Elles reprendront dès que le nouveau gouvernement sera constitué… La Fédération F.O., dénonce « l’attitude des initiatives de plus en plus inadmissible, allant jusqu’à annoncer des décisions unilatérales sans avoir ouvert les négociations… les travailleurs des P.T.T., en grève, ne se laisseront pas intimider. La lutte revendicative continue. »
  Le personnel des banques : des négociations rapides : le comité de grève des banques de Toulouse, réuni ce jour 31 mai à 10 h 30, déplore une fois de plus les alternoiements de l’A.P.B., qui sous prétextes divers, politiques pour la plupart, repousse de jours en jours des négociations…
  Grands Magasins : les Nouvelles Galeries, le personnel F.O., est appelé à se prononcer sur les propositions patronales, aujourd’hui samedi à 9 heures, devant le magasin et devant le dépôt.
  La grève continue chez la grande majorité des fonctionnaires des P.T.T., qui depuis le début du mouvement occupaient toutes les installations de cette administration. Mais hier après-midi, les grévistes qui se trouvaient au centre de chèques postaux (rue Palaprat) ont été invités par un commissaire de police à évacuer les lieux. Les postiers sont sortis sans incidents. Le même scénario devait se répéter au cours de la soirée à Toulouse-Téléphone et Toulouse-Télégraphe, rue Kennedy… À minuit les autres locaux (recette principale, la distribution du courrier, le tri postal de la gare Matabiau et la recette de Saint Cyprien étaient toujours aux mains des grévistes. Communiqué : l’intersyndicale C.G.T. , C.F.D.T., F.O., des chèques postaux de Toulouse déclare que la grève continue malgré l’évacuation des locaux par les forces de police, jusqu’à la satisfaction des revendications au niveau national.

Extraits d’articles parus le 1er juin :

  Nouveau gouvernement.
  Rappel des réservistes sous les drapeaux.
  Annonces des élections législatives des 23 et 30 juin.
  Les journalistes de l’ORTF sont en grève, ils réclament : l’indépendance des journalistes en dehors de toute tutelle extérieure à la profession. Ainsi le nouveau statut de l’ORTF pourra garantir l’information impartiale et honnête à laquelle la nation a droit ; le SMIC : le premier ministre a signé un décret portant le SMIC à trois francs de l’heure, soit une majoration de 35% à partir du premier juin ; suppression des zones de salaire.
  À Toulouse, manifestation gaulliste au Monument aux Morts.
  Sud Aviation : cet après-midi, assemblée générale. Les organisations syndicales sont prêtes à discuter. Les syndicats confirment leurs revendications.
  Organismes sociaux : les comités de grève F.O., C.G.T., C.F.D.T., des organismes sociaux (caisse primaire d’assurances Maladie, caisse régionale vieillesse, caisse d’allocations familiales) invitent le personnel employé et les cadres à l’assemblée générale qui aura lieu au palais des sports place Duoux.

Extraits de La Dépêche du Midi du 2 juin :

Sur le front des grèves, les négociations se sont poursuivies hier.

Le 3 juin :

  Poursuite du mouvement ? Reprise du travail ? Les grévistes vont se prononcer.
  La situation pourrait évoluer demain dans le secteur public E.G.F, P.T.T.. Suspension des négociations dans la métallurgie.

Le 4 juin :

  Cheminots et P.T.T. : accords en vue.
  Les négociations se sont poursuivies hier dans tous les secteurs.
  Ne pouvant assurer une information libre et impartiale, les journalistes de France-inter se sont mis en grève hier soir.
  Le syndicat des journalistes autonomes (…) demande aux journalistes de se refuser à travailler dans les locaux placés sous le contrôle des forces de l’ordre, renouvelle sa solidarité aux journalistes de l’ORTF, et son attachement à une information libre et impartiale…

Le 5 juin :

  Grèves : pas encore de reprise à la SNCF.
  Négociations en cours à l’Éducation Nationale et dans la métallurgie.
  La grève continue aux usines Renault, Michelin, Sud-Aviation, Air France, etc.

Le 6 juin :

  La reprise s’accentue un peu partout mais durcissement dans la métallurgie.
  À partir du 11 juin, les fonctionnaires de préfecture en grève illimitée.
  Des heurts ont eu lieu hier, à Flins, entre grévistes et policiers qui ont réoccupé l’usine Renault.
  Reprise en cours à la S.M.T.C. et aux P.T.T..
  Des « noyaux » durs subsistent dans l’automobile et l’aéronautique.
  Les écoles pourraient rouvrir demain.

Le 7 juin :

  La reprise n’est pas générale.
  Le trafic reprend progressivement à la SNCF et dans les PTT mais la grève rebondit au métro.
  Les enseignants divisés : la F.E.N. retire son ordre de grève, le S.G.E.N et le S.M.E.S le maintiennent.
  La tendance à la reprise du travail s’accentue.
  Les autobus sont de retour.

Le 8 juin :

Le chef de l’état assurant que cette assemblée devait être dissoute a promis pour l’avenir l’accomplissement de réformes de toutes sortes qu’il estime seul habilité à réaliser. Le référendum sera réalisé plus tard.

EN GUISE DE CONCLUSION

Aux élections législatives du 30 juin 1968, une écrasante majorité vota pour les Gaullistes : deux cents quatre-vingt douze députés élus sur quatre cents quatre-vingt cinq sièges à pourvoir. Couve de Murville remplaça Georges Pompidou et devint Premier Ministre. Les derniers bastions étudiants furent évacués : d’abord favorable aux étudiants, l’opinion publique avait basculé.

Le gouvernement fut constitué ; nommé ministre de l’éducation Nationale, Edgar Faure engagea une réforme qui aboutit, le 12 novembre 1968, à la loi portant son nom.

Pour ma part, j’eus l’honneur de représenter mon Organisation Syndicale au premier Conseil d’Administration nouvellement élu de l’Université du Mirail à Toulouse.

La loi du 27 décembre 1968 sur le Droit Syndical constitua une avancée considérable : elle permit de créer des sections syndicales et de désigner un représentant dans les entreprises de plus de cinquante salariés ; elle laissait aux partenaires sociaux le soin de négocier, par entreprise, les modalités d’application concernant les locaux syndicaux et les panneaux d’affichage entres autres. A la suite de cette loi, nous créerons de nombreuses sections syndicales dans le secteur privé : commerce, habillement, bâtiment, transports…

Du point de vue économique, les augmentations importantes des salaires apportèrent un essor à l’économie.

Les mouvements d’étudiants contre la guerre au Viêt-Nam et pour une démocratie plus participative eurent lieu dans toute l’Europe.

L’Europe se construisait et apportait un immense espoir de paix et de modernité. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir, pour construire une Europe plus sociale et plus humaine.

Selon un récent sondage effectué par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuelle et le Nouvel Observateur, 74 % des Français interrogés estiment que la période de mai 68 a eu un impact positif sur la société .

Georges Portalès Toulouse le samedi 31 mai 2008

1 On pouvait lire dans la presse les propos de celui-ci : « Nous tenons un livre noir des incidents, a affirmé Dany le Rouge, et nous estimons entre cinq et onze le nombre de morts. » Quarante ans plus tard, dans une émission de Marie Drucker intitulée Droit d’inventaire - mai 68, il reconnaîtra qu’il n’y avait pas eu de morts durant ces évènements.

2 Aucun train ne reliait alors Paris et Toulouse.

3 Le groupe SINGER S.A. employait 12000 salariés en France et constituait l’un des leaders de la vente d’électroménager. Il comprenait la division singer couture et confort dont j’étais le délégué syndical, la division singer informatique avec Bernard Cot, le trésorier du syndicat du commerce, la division service après-vente Servi-France avec Georges Vidal et Henri Dellac, tous deux Toulousains du syndicat du commerce, la division production avec Alain de l’usine de Bonnières. Pour la ville de Paris, nous avions désigné un jeune cadre au siège de la société : peu de temps après, il sera promu directeur du service après vente à Toulouse ; nous avions également quelques délégués sur la Région parisienne.

4 Les premiers hypermarchés furent créés en haute Garonne vers la fin des années soixante, début des années soixante-dix.

5 André BERGERON. « Une victoire syndicale » in FO Hebdo du 19 juin 1968. N°1140.

6 Extrait de l’article intitulé « L’Université à l’heure du choix » in FO Hebdo de mai 1968.

7 Maurice Gendre, Secrétaire Général des Retraités et ancien Secrétaire Général de l’Union Départementale, m’a rappelé qu’en mai 68, les tracts et les journaux arrivaient par camions, de notre siège de l’avenue du Maine : nos camarades postiers se chargeaient de ce transport qui s’achevait à l’UD de Bordeaux.

8 Maurice GENDRE était parmi nous ce jour-là. Il dut se faufiler au travers de la bataille pour parvenir à l’U.D.

9 À Paris, les producteurs et réalisateurs de la presse médiatique ont notamment cessé leur travail.

10 Selon un récent sondage effectué par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuelle et le Nouvel Observateur, 74 % des Français interrogés estiment que la période de mai 68 a eu un impact positif sur la société. (Le Nouvel Observateur du 7 mars au 2 avril 2008)

11 Quatre-vingt six journalistes de l’O.R.T.F. seront licenciés ; la plupart seront réintégrés quelques mois plus tard.

12 Le Nouvel Observateur du 7 mars au 2 avril 2008.

Par G. PORTALES