Julien FORGUES (1888 - 1970) SYNDICALISTE ET RESISTANT TOULOUSAIN

, par udfo31

Chargé par Léon Jouhaux d’organiser la résistance syndicale dans les trois grandes régions du Midi : Toulouse, Montpellier et Marseille, Forgues, qui militera à LIBERATION, représente la CGT, en décembre 1940, à la réunion qui se tient à Lyon et à laquelle participent d’Astier [ de la Vigerie] de Menthon, Philip, pour le CAS[ Comité d’Action Socialiste] et Poinbeuf pour la CFTC (1) Source : Histoire de la Résistance d’Henri Noguère..

Henri Noguère poursuit : (2) « L’accord intervient entre Léon Jouhaux et Emmanuel d’Astier ou, si l’on préfère, entre les Syndicalistes Résistants de la zone non occupée et le mouvement « Libération-Sud ». Sa portée est considérable puisqu’il aboutit, en fait, à inciter les militants syndicalistes à rejoindre les rangs de « LIBERATION » et a diffuser son journal. »

Evoquant l’action de Julien Forgues, l’historien et Résistant toulousain Daniel Latapie écrit (3) : « En septembre 1940 il organise avec Léon Jouhaux, le mouvement Ouvrier Français, il devient agent P.2 du réseau FFC Rosi. En septembre 1941 il entre au Comité de Libération Sud. Arrêté dans la nuit du 29 au 30 avril 1943, au cours d’une distribution de tracts Gaulliste ; il est assigné à résidence surveillée. Menacé d’une arrestation par la Gestapo, entre en clandestinité totale et en juin 1944, rejoint le maquis ».

Raoul Marty, membre du Comité Départemental de Libération dans la clandestin et Sylvain Dauriac, membre du Comité d’Action Socialiste et du réseau « BRUTUS », le remplacent à la Bourse du Travail de Toulouse. .Maurice Fournié, alias « GARNIER », responsable du NAP PTT (Noyautage de l’Administration Publique) dans la R4, remplace Julien Forgues au Comité Régional de Libération. Maurice Fournié se met sous les ordres directs de Serge Ravanel, (4) responsable Régional des Forces Françaises de l’Intérieur pour la Région toulousaine.

Les Syndicalistes Résistants, Sylvain Dauriac, Raoul Marty, Maurice Fournier et Elie Ousteau (5) seront les fondateurs de l’Union Départementale CGT-Force Ouvrière en décembre 1947 (6).

JULIEN FORGUES ET LA SCISSION SYNDICALE

Julien Forgues était secrétaire de l’Union Départementale des syndicats confédérés lorsque parut la brochure historique de la Bourse du Travail de Toulouse de 1878-1934.

http://31.force-ouvriere.org/LA-BOURSE-DU-TRAVAIL

Son action de syndicaliste s’inscrit donc dans le cadre de l’engagement collectif de l’époque et qui est défini en ces termes :

« Les militants toulousains ont constamment eu le souci de l’autonomie syndicale. Aucune influence extérieure de quelques nature qu’elle fût, étrangère au mouvement syndical, n’a pu s’exercer et par conséquent gêner l’action de la Bourse du Travail de Toulouse qui a eu toujours le respect et la considération des municipalités qui se sont succédées au Capitole (ainsi appelle-t-on l’Hôtel de ville toulousain) ».

Plus loin dans le texte :

« Après le crime de la guerre[14-18], vint le crime de la scission ouvrière, La démagogie communiste n’entama pas ou si peu, la forteresse syndicale toulousaine. »

Après avoir fait le compte des membres de la CGT-U , communiste, soit au nombre de 180, sur près de 18.000 adhérents, le Conseil d’administration du 6 mars 1922 précise :

« Le Conseil estime que les syndicats qui s’organisent en Union locale unitaire, n’étant au fond et exactement que des syndicats politiques agissant sous les directives d’un parti politique ; ne peuvent avoir aucun droit de se réunir à la Bourse du Travail, place Saint-Sernin. Et cela, parce que notre Bourse du Travail s’efforce de réaliser l’entente ouvrière dans la poursuite des réformes corporatives et au-dessus et en dehors de toutes opinions politiques, philosophiques, religieuses ».

Ainsi, comme l’on peut le constater dans cet historique, qui n’est que la réplique de la Charte d’Amiens, l’Union Départementale CGT-Force Ouvrière de la Haute Garonne est naturellement en droit de revendiquer cet héritage : l’action des responsables et des militants qui se sont succédés depuis sa création en 1947, s’inscrit parfaitement dans l’esprit syndical défini par nos anciens. A l’opposé, les grèves insurrectionnelles de 1947, directement dirigées par le parti communiste, déboucheront sur l’éclatement de l’ancienne CGT, et entraîneront l’affaiblissement et le morcellement du mouvement syndical en France.

Il faut rappeler, pour l’histoire, qu’en 1948, l’ensemble de la CGT : Fédérations et Unions Départementales, sera dirigée par des communistes. Julien Forgues, bien que de tendance socialiste, restera à la CGT, mais il sera « mis sous tutelle » flanqué d’un second secrétaire désigné, de tendance communiste. Pierre Baghi, dans son livre « l’histoire du mouvement ouvrier en Haute-Garonne », se fait le porte voix du parti communiste, tout en reconnaissant le rôle éminent joué par la tendance Confédérale de Léon Jouhaux et de Robert Bothereau- notamment dans la réunification syndicale, pour combattre le régime de Vichy et l’Allemagne nazie.

Qu’il soit permis à l’auteur de ces lignes d’apporter son témoignage : alors que j’étais jeune Conseiller Prud’homme, élu en 1969, je connus le secrétaire administratif de la CGT, François Rumeau. Celui-ci était de tendance socialiste. Il venait souvent au Conseil et j’entretenais avec lui des relations cordiales. Au cours d’une conversation, alors que nous évoquions la scission syndicale, celui-ci me dit, parlant de Julien Forgues et de lui-même : « Nous nous sommes fait piéger par les communistes ».

Par Georges PORTALES


1 Histoire de la Résistance, Henri Noguère page 326,tome 1.

2, page 114, tome 3.

3,Archives Départementales 31 Fonds Latapie- « les combattants volontaires de la résistance de la Haute Garonne, page 964 »,

4, Colonel des Forces Françaises de l’Intérieur à 24 ans, dirigeant des forces militaires qui ont combattu avec succès pour la libération de la région de Toulouse.

5, Elie Ousteau, Résistant, fut élu, en 1945,adjoint au maire de Toulouse sur la liste « Républicaine des partis et mouvements de la Résistance : Source, livre de Jean-Claude Duphil, page29, « Toulouse Socialiste-1944-1971 »

6, Archives Départementales 31, thèse de Yannick Delpoux, « étude sur la scission de la CGT et la naissance de la CGT-Force Ouvrière en Haute-Garonne-, janvier 1936-décembre 1948 »direction de thèse : Rolande Trempé..