2ème Partie Léon JOUHAUX et la Résistance Ouvrière

, par udfo31

J’ai rassemblé dans ces pages les éléments historiques qui établissent l’engagement de Léon Jouhaux qui fut, durant la dernière guerre, au cœur même de la Résistance Ouvrière.

Après le refus des quatre-vingts parlementaires d’accorder les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940, l’appel des douze fut le premier acte de Résistance collective dont Christian Pineau fut l’initiateur et le rédacteur. Chevalme, l’un des signataires avait assuré la liaison entre les auteurs du manifeste et Léon Jouhaux. (Page 47 du livre « la Résistance Sacrifiée »).

Léon Jouhaux est omniprésent dans les textes qui vont suivre : il est l’inspirateur de nombreuses décisions qui seront prises par les Syndicalistes-Résistants.

Pour la bonne compréhension de cet historique, j’invite le lecteur à se reporter sur la première partie de mes textes en cliquant sur ce lien :

http://31.force-ouvriere.org/Leon-JOUHAUX-1879-1954

Deuxième partie

Voici des extraits du livre de Jean- Pierre Azéma : « Jean Moulin, le Rebelle, le Politique, le Résistant ». Page 300 -« La France Libre, comme d’ailleurs Moulin, allait pourtant faire fond sur ce champ de ruines syndical. Répétons que Charles De Gaulle estima vite qu’il éprouverait bien des difficultés à rallier des élites politiques, militaires, culturelles dont la plupart avait failli en 1940. Puisqu’il fallait chercher appui dans le « peuple », pourquoi ne serait-ce pas auprès des syndicalistes ? Le 21 octobre 1942, il avait fait passer à Léon Jouhaux ce message explicite : « Très secret. Cher Monsieur Jouhaux, je vous demande d’être directement associé à nous, c’est-à-dire à moi et au Comité National, pour tout ce qui vous est possible de faire. Pour nous, la résistance de la classe ouvrière est un élément exemplaire et essentiel de la Résistance française. Je vous envoie toute ma sympathie profonde et je vous prie d’accepter entre vous et nous le régime d’une complète confiance ».

Fin de citation

GP : Depuis Cahors, où il avait vécu en semi-liberté, mis en résidence surveillée par la police de Vichy, Léon Jouhaux n’aura cesse d’influer l’action syndicale clandestine. Il y rencontre entre autres Julien Forgues et Marius Vivier- Merle, syndicalistes membres du Comité directeur de Libération.

Concernant les pourparlers qui aboutiront aux accords du Perreux, on peut lire dans l’ouvrage « Léon Jouhaux dans le mouvement syndical français » de Bernard Georges et Denise Tintant et en collaboration avec Marie- Anne Renauld, agrégées de l’Université :

« Le 22 septembre 1942, Saillant [tendance Jouhaux] est de nouveau à Cahors, mais flanqué cette fois de Sémat, Secrétaire de la Fédération des Métaux en 1939 et envoyé officiel des ex-unitaires [communistes]. Les amis de Frachon acceptent la constitution des organes dirigeants de la CGT sur la base de la situation antérieure à septembre 1939 ».

GP : Les communistes qui n’avaient pas condamné le pacte germano-soviétique furent exclus de la CGT. Fait déterminant qui fut à l’origine de la deuxième scission syndicale.

Robert Bothereau, Secrétaire Confédéral, Résistant-Syndicaliste, mandaté par Léon Jouhaux, fut l’un des signataires des accords du Perreux, avec Louis Saillant pour les ex-Confédérés et Henri Raynaud et André Tollet pour les ex-Unitaires : Accords qui réunifièrent les deux tendances syndicales afin de lutter efficacement contre l’Allemagne Nazie et le régime de Vichy.

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Les contacts de Léon Jouhaux sont nombreux, d’abord avec Julien Forgues, le secrétaire de l’UD de la Haute-Garonne et de la Bourse du Travail de Toulouse ( Bien que les Confédérations syndicales aient été dissoutes par Vichy, les syndicats et les Bourses du Travail continuèrent leurs activités semi-clandestines : Vichy pensait attirer les syndicalistes vers leur « révolution nationale » et faire adopter la Charte du Travail, dont René Belin, syndicaliste renégat, devenu ministre du travail de Pétain, se fera le promoteur.

Histoire du Mouvement Ouvrier en Haute-Garonne De l’Institut, CGT d’Histoire Sociale

GP : Dans le livre « l’histoire du Mouvement Ouvrier en Haute-Garonne » de l’Institut, CGT d’Histoire Sociale, Pierre Baghi, qui se fait le porte voix du parti communiste, n’a pas sur ce point une lecture différente des évènements ; il écrit page 240 et suivantes :

« Au niveau national, depuis la réunion du 25 août à Sète où Léon Jouhaux, L.Saillant et autres ont refusé la « dissolution de la CGT » et « condamné la collaboration », des premiers contacts ont été établis. Celui du 17 mai 1941, qui se tient dans l’appartement de Ch.Pineau (Fédération des Employés) donne le départ d’un véritable engagement puisqu’il s’achève sur un accord « pour poursuivre les contacts afin d’examiner les problèmes d’action et d’organisation (presse clandestine) qu’exigent les circonstances de la lutte ».

« Puis, pendant plusieurs mois les contacts vont cesser. L.Saillant en explique les raisons : « La répression qui s’abattit sur le mouvement ouvrier, particulièrement sur les membres du Parti Communiste, dans les six premiers mois de 1941 (Exp. Chateaubriand) et les premiers mois de 1942 (Exp.P.Semard fusillé) amena nos camarades syndicaux, membres du Parti Communiste, à renforcer leurs mesures de sécurité. Pendant près d’un an, il n’y eut pas de contact entre nous… »

« Ce n’est que le 22 septembre 1941 qu’aura lieu la nouvelle rencontre. Elle a lieu à Cahors. L. Jouhaux, qui est en résidence surveillée dans cette ville accepte de recevoir R.Semat (Fédération des Métaux) comme représentant de B.Frachon ».

« A propos de cette réunion, L.Saillant dira : « …C’est à la rencontre de Cahors que fut adopté le principe de la réunification de la CGT et que, sans cet accord de principe préalable, il eut été très difficile de signer les accords Du Perreux ».

Fin de citation

GP : Dans son livre, « La Simple Vérité », Christian Pineau relate les circonstances dans lesquelles il a rédigé « L ’appel des douze » :

« Robert Lacoste et moi, dans un petit bureau de la Caisse des Dépôts et consignation, avons décidé de nous engager et d’engager les hommes du mouvement syndical qui voudront nous suivre dans la voie de la résistance aux directives de Vichy. Il ne s’agit pas encore de reconstituer la CGT dont les éléments sont dispersés ; nous n’aurions pas pour cela l’autorité suffisante, mais de rassembler, sous le couvert d’un comité d’étude, un noyau de camarades décidés à respecter et à rappeler à ceux qui ne respectent plus les véritables principes du syndicalisme français ».

[ …] L’essentiel, en même temps que le plus dangereux, est de rédiger et de publier un manifeste marquant notre position à l’égard des renégats et de la doctrine national socialiste appliquée au syndicalisme français ».

[…]Les communistes sont pour le moment hors de cause. Ils ont pris position contre Pétain, pas contre les Allemands ; ils affichent même une certaine sympathie à l’égard du national-socialisme « qui lutte en commun avec l’Union Soviétique contre le capitalisme international ».

Fin de citation.

« La Résistance Sacrifiée »

GP : L’historienne Alya Aglan, dans son livre « La Résistance Sacrifiée », apporte un éclairage nouveau sur l’histoire, longtemps occultée, du syndicalisme dans la Résistance. Page 40 et suivantes de son livre, elle nous livre le récit de Christian Pineau à propos du manifeste des douze :

« Le manifeste, tiré un dimanche sur la ronéo du Syndicat des Employés, « paraît » donc le 15 novembre 1940. Il est envoyé aux secrétaires de fédérations et d’unions départementales, ainsi qu’à des personnalités syndicales connues ».

« Selon Christian Pineau « les Allemands ont ignoré le Manifeste… ou bien ils ont voulu le considérer comme dirigé contre Vichy ».

Christian Pineau écrit : […] « Belin, de passage à Paris, me convoque à son bureau au ministère du Travail pour protester contre notre manifeste de novembre, « dirigé contre lui » (sic) et qui lui a fait beaucoup de tort. Nous gênons son action pour le redressement du syndicalisme français. Aussi m’invite-t-il, dans mon intérêt, à éviter toute autre publication de ce genre ».

GP : l’appel des douze, que l’on retrouve sur neuf pages, dans l’annexe du livre « la Simple Vérité », pourrait se résumer ainsi :

Après avoir rappelé les principes de fidélité à l’évolution de la classe ouvrière, les organisations syndicales confédérées ou chrétiennes souhaitent une collaboration internationale basée sur l’esprit de justice. Elles critiquent les excès du capitalisme, les dangers d’un libéralisme et d’un individualisme excessif ; elles dénoncent la course aux armements ; elles revendiquent la place du syndicalisme dans l’Etat : « toute sa place et seulement sa place ». Elles affirment le principe du respect de la personne humaine en dehors de toute considération de race, de religion ou d’opinion ». […]

« Le syndicalisme français ne peut admettre en particulier : l’antisémitisme, les persécutions religieuses, les délits d’opinions, les privilèges de l’argent. Elles réprouvent en outre tout régime qui fait de l’homme une machine inconsciente de pensées et d’actions personnelles » ; Elles rappellent que le syndicalisme doit rester libre. Enfin le manifeste appelle les travailleurs à se regrouper.

Christian Pineau va s’engager dans la Résistance. Voici un extrait écrit par l’éditeur de la couverture de son livre-mémoire :

« LA SIMPLE VERITE 1940-1945 » Editeur René Julliard(1960)

« Cette simple vérité, Christian est un des hommes les mieux qualifiés pour l’écrire sur les années qui vont de 1940 à la Libération. Il en a vécu le sens et le drame historique comme organisateur et chef du réseau « Phalanx », comme fondateur d’un hebdomadaire clandestin Libération-Nord, comme premier interprète de la Résistance des Français occupés auprès du Général de Gaulle, enfin, après diverses incarcérations, comme déporté au camp de Buchenwald où il demeurera un an et demi.

Ces mémoires de la guerre clandestine et du calvaire concentrationnaire se distinguent des innombrables témoignages qui les ont précédés et point seulement par la personnalité politique de leur auteur »…

Fin de citation

GP : Dans la première partie du récit de Christian Pineau, on relève la référence permanente à Léon Jouhaux.

A l’automne 1941, Léon Jouhaux encourage les militants à se regrouper et à rejoindre Le Comité d’Etudes Economiques et Syndicales (voir lettre de Léon Jouhaux, page 60, « la Résistance Sacrifiée »).

Puis, Léon Jouhaux lance un appel à la Résistance de la classe ouvrière : c’est « l’APPEL AUX OUVRIERS », publié dans le numéro quatre du journal clandestin « LIBERATION » daté de décembre 1941 ( que l’on retrouve dans son intégralité dans la première partie de mon texte).

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Christian Pineau à Londres en février, mars 1942

Christian Pineau écrit, page 29 de son livre « La Simple Vérité » : « C’est grâce à Pierre Brossolette que notre groupe prend son premier contact avec Londres. Dans le sous-sol de sa boutique de librairie de la Rue de la Pomme[à Paris], le militant socialiste reçoit volontiers des hommes politiques ou des militants de la Résistance ».

GP : Parvenu à Londres, Christian Pineau nous rapporte, pages 154, les paroles du Général De Gaulle :

« Vous êtes le premier français, reconnaît-il, qui vienne ici au titre des mouvements organisés. Nous comptons sur vous pour nous éclairer sur ce qui se passe dans les deux zones, nous indiquer les contacts à prendre, l’action à organiser ».

GP : Ce que Christian Pineau va chercher à Londres, c’est l’assurance que le Général De Gaulle rétablirait les institutions démocratiques et républicaines à la libération. En cela il se fait l’interprète, tout à la fois, des syndicalistes et des socialistes du CAS : ceux-ci étaient méfiants de voir un général devenir le symbole de la France combattante.

A son retour de Londres Christian Pineau fit un compte rendu à ses camarades syndicalistes, (pages 221 et suivantes) :

« Un silence gêné suit mon exposé. Finalement Charles Laurent prend la parole :

Tout cela est parfait, dit-il, nous avons été très intéressés par ce compte-rendu. Nous ne pouvons rien décider sans réflexion. Le mouvement syndical a toujours été autonome.

Je n’avais pas imaginé le rappel de la Charte d’Amiens en de telles circonstances. Il me faut revenir en arrière, lire le message dont je suis porteur, essayer de rassurer mes amis ».

GP : LES SYNDICALISTES VONT SE METTRE EN MOUVEMENT

Christian Pineau poursuit « …Les choses ne vont pas si mal : Jean Texcier fait paraître le journal [LIBERATION] avec régularité ; Saillant et Gazier visitent les syndicats. Libération-Nord commence à s’organiser. Nous allons pouvoir nous consacrer à la création du réseau PHALANX ».

Pour en savoir plus sur Christian Pineau : http://www.lours.org/default.asp?pid=258

GP : Selon Alya Aglan, le colonel Passy, chef du Bureau Central de Renseignements et d’Actions (BCRA), proche collaborateur du général De Gaulle, affirmera à la Libération que les plus importants réseaux de renseignements en contact avec Londres, furent ceux de Phalanx et de Brutus.

Dans ses mémoires de guerre, ( l’Unité 1942-1944, page 342) le Général De Gaulle écrit :

« Rien de ce qui concerne l’occupant n’échappe à nos réseaux. Le général Bedell Smith peut écrire au BCRA. Au cours du mois de mai, 700 rapports télégraphiques et 3.000 rapports documentaires sont arrivés de France à Londres ».

La déclaration du Général De Gaulle que Christian Pineau ramène de Londres, ( annexe 3 du livre plus haut cité), apporte incontestablement les assurances souhaitées. En voici quelques extraits :

« Les derniers voiles sous lesquels l’ennemi et la trahison opéraient contre la France sont désormais déchirés. L’enjeu de cette guerre est clair pour tous les Français : c’est l’indépendance ou l’esclavage. Chacun a le devoir sacré de faire tout pour contribuer à libérer la patrie par l’écrasement de l’envahisseur, Il n’y a d’issue et d’avenir que par la victoire ».

[…] « Une fois l’ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l’Assemblée Nationale qui décidera souverainement des destinées du pays ».

[…] « A l’intérieur, il faudra que soient réalisées, contre la tyrannie du perpétuel abus, les garanties pratiques qui assureront à chacun la liberté et la dignité dans son travail et dans son existence. La sécurité nationale et la sécurité sociale sont, pour nous, des buts impératifs et conjugués.

[…]L’idéal séculaire français de liberté, d’égalité, de fraternité soit désormais mis en pratique chez nous, de telle sorte que chacun soit libre de sa pensée, de ses croyances et de ses actions, que chacun ait, au départ, de son activité sociale, des chances égales à celles de tous les autres, que chacun soit respecté par tous et aidé s’il en a besoin ».

« Nous voulons que cette guerre, qui affecte au même titre le destin de tous les peuples, et qui unit les démocraties dans un seul et même effort, ait pour conséquence une organisation du monde établissant d’une manière durable, la solidarité et l’aide mutuelle des nations dans tous les domaines. Et nous entendons que la France occupe dans ce système international la place éminente qui lui est assignée par sa valeur et par son génie.

« La France et le monde luttent et souffrent pour la liberté, la justice, le droit à disposer d’eux-mêmes, la justice et la liberté gagnent cette guerre, en fait comme en droit, au profit de chaque homme, comme au profit de chaque Etat.

Une telle victoire française et humaine est la seule qui puisse compenser les épreuves sans exemple que traverse notre patrie, la seule qui puisse lui ouvrir de nouveau la route de la grandeur. Une telle victoire vaut tous les efforts et tous les sacrifices. Nous vaincrons ».

Ch.de Gaulle

GP : « La déclaration du général De Gaulle aux mouvements de Résistance » paraîtra dans la presse clandestine en avril et juin 1942.

Réunir dans une seule et même structure, les mouvements de Résistance, les partis politiques et les syndicats, tel sera le but de Jean Moulin : Christian Pineau y apportera sa contribution.

Jean Moulin mettra en ordre de marche et réunira pour la première fois le Conseil National de la Résistance le 27 mai 1943.

Serge Ravanel, chef des Forces Françaises de l’Intérieur de la région toulousaine écrira dans son livre « L’Esprit de Résistance », édition du Seuil, 1995 :

« Nous aspirions tous au rétablissement de la République et de la Démocratie. Nous avions en commun la volonté de construire une « France de progrès », éprise de liberté et de justice. C’est cette communauté de vue, forgée par la lutte clandestine, qui a donné naissance quelques mois plus tard au programme du Conseil National de la Résistance ».

GP : Le CNR élaborera un programme de gouvernement où figurent entre autre, de nombreuses mesures sociales qui seront mises en place dès la Libération.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_du_Conseil_national_de_la_R%C3%A9sistance

C’est Louis Saillant qui représentera la CGT au CNR. Christian Pineau ne put y participer puisqu’il fut arrêté le 3 mai 1943. Transféré à la prison du Fort-Montluc de Lyon, il sera interrogé par la Gestapo : il ne devra son salut qu’en s’inventant un personnage anodin qui parut crédible à ces tortionnaires.

Christian Pineau assistera à l’agonie de Jean Moulin, torturé par la Gestapo, laissé pour mort sur un banc de la prison et qui devait mourir en juin 1943, au cours de son transfert vers l’Allemagne. Christian Pineau, quant à lui, sera interné à Buchenwald jusqu’à la fin de la guerre. Il écrira des pages fort révélatrices sur la vie dans ce camp où les Nazis ont pratiqué l’innommable : les détenus étaient soumis au travail obligatoire, vivant dans des conditions inhumaines, souffrant du froid, de la faim, décimés par les maladies contagieuses. Les plus chanceux survécurent, les plus faibles allaient inexorablement vers la mort.

http://memorial-wlc.recette.lbn.fr/article.php?lang=fr&ModuleId=55

Jean Moulin, symbole de la Résistance, repose au Panthéon. Christian Pineau, compagnon de la Libération, mènera plus tard, une carrière politique de premier plan.

Dans son livre « La Résistance Sacrifiée », l’historienne Alya Aglan écrit :

« L’histoire de la Résistance recèle une beauté et une grandeur qui fascinent celui qui s’en approche, et celle de Libération-Nord, l’un des plus grands mouvements de la zone occupée, ne fait pas exception. « Libération-Nord » c’est d’abord l’œuvre d’un homme, Christian Pineau, un fils d’officier qui a mené avant guerre une activité syndicale militante, en rupture avec son milieu. Dès 1940, celui-ci crée un journal clandestin qui va devenir hebdomadaire, Libération, et qui rallie des hommes et des femmes venus du syndicalisme socialiste et chrétien pour défendre les libertés contre l’autoritarisme de Vichy. Au printemps 1942, Christian Pineau est le premier émissaire de la Résistance intérieure à gagner Londres, où il rencontre de Gaulle, qui écrit à sa demande un manifeste où il affirme ses convictions politiques et démocratiques. Cette date marque un cap : pris entre la volonté d’indépendance des syndicats et le ralliement à la France libre, Christian Pineau devient simple chef de réseau en zone Sud, tandis que Jean Moulin est chargé de fédérer la Résistance intérieure ; c’est désormais Jean Cavaillès qui préside aux destinées du mouvement. La confrontation de ces trois hommes, et la diversité des sensibilités politiques que Libération-Nord a su réunir, sont au cœur de cette histoire longtemps demeurée peu connue, dans l’ombre des gestes gaullistes et communistes ».

« La désobéissance, histoire du mouvement « Libération-Sud » Odile Jacob, 1995.

GP : Dans les pages 86 et suivantes de son livre, l’historien Laurent Douzou évoque les rencontres qui ont eu lieu entre Emmanuel d’Astier de la Vigerie et Léon Jouhaux, rencontres qui aboutiront à un accord. Extraits :

« L’entrevue est décisive dans la mesure où d’Astier avait jusqu’alors trouvé les milieux syndicalistes avec lesquels il était entré en contact, comme du reste toutes les organisations politiques ou sociales françaises, en plein désarroi, aucune personne n’ayant autorité. Or, Léon Jouhaux est le seul qui ait une autorité incontestée dans le milieu syndical […] D’Astier voit Jouhaux à deux reprises. […] Page 88, « L’accord d’Astier-Jouhaux, qui est vraisemblablement scellé au début du mois de novembre 1941, modifie radicalement la situation de Libération-Sud. Il apporte au mouvement tout le réseau des responsables syndicalistes cégétistes[non-communistes] fidèles à Jouhaux. […] La première manifestation « publique » du soutien prêté par Jouhaux à Libération revêt la forme d’un appel [ aux ouvriers ] publié dans le numéro 4 de décembre 1941 ».

Fin de citation.

L’Histoire du Syndicalisme Résistant dans la région toulousaine

GP : L’Histoire du Syndicalisme Résistant dans la région toulousaine n’a pas encore livré tous ses secrets, certains figurent dans nos archives syndicales, je parle ici de celle de l’Union Départementale CGT-FO de la Haute-Garonne, dont bon nombre de Syndicalistes-Résistants nous ont laissé leur témoignage. Certains figurent dans le « Fonds Daniel Latapie » .

Daniel Latapie, enseignant et résistant, fut correspondant du Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale puis de l’Institut d’histoire du temps présent ; il m’accordera l’autorisation de consulter son fonds à la suite à plusieurs entretiens.

Le sujet principal de nos entretiens fut la Résistance en milieu syndical- Daniel Latapie avait connu plusieurs de nos camarades Syndicalistes-Résistants et notamment Elie Ousteau avec lequel il avait établi une carte de la Résistance en Haute-Garonne- cette carte se trouve à l’entrée du Monument de la Résistance et de la Déportation de Toulouse-. Au cours d’un entretien, il m’avait confirmé le rôle de plaque tournante de la Résistance toulousaine de la Bourse du Travail.

Certains de nos camarades nous ont laissé leur témoignage. Par exemple Georges Bouquié, qui, à 18 ans, a fait partie de la 35e brigade de Marcel Langer ; puis a rejoint le maquis de Grenade et a participé à la libération de Toulouse le 19 août 1944. Autres témoignages de Serge Villa-Mir, de Louis Borrel, d’André Montané, de Raymond Barbarou, de Georges Aybram, de Lucien Vieillard , de Raoul Marty , de Sylvain Dauriac et de bien d’autres. Parmi tous ces témoignages, celui de Maurice Fournié et sans doute l’un des plus significatifs de l’implication du Syndicalisme-Résistant :

Maurice Fournié, avait créé avec ses camarades syndicalistes de la tendance Jouhaux, le réseau de Résistance PTT « Garnier ».

Voici des extraits de son témoignage :

« A la demande de Pierre HERVE (VERDIER), nommé Chef Régional de LIBERATION à Toulouse, je fis également du recrutement pour le mouvement, auquel j’appartenais, en particulier à Souillac[ Lot] dans l’Ariège et dans le Gers, où je créais le premier noyau « LIBERATION » à Auch.

Toujours dans le même souci de recrutement, mais également en vue de coordonner l’action clandestine du personnel des PTT sur le plan national, et ceci en plein accord avec « LIBERATION », je créais la Fédération Postale Clandestine en Zone Sud.

Prospection dans tous les Centres Régionaux et à Paris, organisation d’une Assemblée Nationale tenue à Toulouse, en février 1943, avec la participation de « DUJARDIN » du Comité Directeur de « LIBERATION-SUD » et des délégués de Paris et de toutes les régions de la Zone Sud. A la fin de la réunion, je fus désigné comme délégué de la Fédération Postale Zone Sud ».

Lire la suite : http://31.force-ouvriere.org/FOURNIE-Maurice

Autres Syndicalistes-Résistants

Raoul Marty, secrétaire du Syndicat de la Manufacture des Tabacs de Toulouse, Secrétaire adjoint de la Fédération des Tabacs, membre de la CGT clandestine et du Comité Départemental de Libération de la Haute-Garonne qui nous a laissé ses précieuses archives.

http://31.force-ouvriere.org/PREMIER-SECRETAIRE-EN-1947

Julien Forgues, tendance Jouhaux, secrétaire de l’Union Départementale et de la Bourse du Travail de Toulouse, l’un des fondateurs du Mouvement Ouvrier Français, membre du Comité Directeur de Libération.Julien Forgues restera à la CGT à la scission de 1948.

http://31.force-ouvriere.org/SYNDICALISTE-ET-RESISTANT

Sylvain Dauriac, ancien Trésorier de la Bourse du Travail et de l’Union Départementale clandestine, l’un des responsables du réseau Brutus à Toulouse, présidera le 19 décembre 1947 à la création de l’Union Départementale CGT-FO de la Haute-Garonne.

http://31.force-ouvriere.org/CREATION-DE-L-UD-CGT-FORCE

http://31.force-ouvriere.org/Sylvain-DAURIAC-1894-1969

Robert Bothereau, Secrétaire Général de la CGT-FO en 1948.

http://31.force-ouvriere.org/Robert-BOTHEREAU

Raymond Naves.

http://31.force-ouvriere.org/Raymond-NAVES-SYNDICALISTE-ET

Georges Aybram.

http://31.force-ouvriere.org/Georges-AYBRAM

Elie Ousteau . http://31.force-ouvriere.org/Elie-OUSTEAU-1909-1984

Marie Dauriac.

http://31.force-ouvriere.org/UNE-FEMME-SYNDICALISTE-DANS-LA

Le mouvement, régional Libérer et Fédérer

de Sylvio Trentin, composé en grande majorité de syndicalistes http://31.force-ouvriere.org/Silvio-TRENTIN-Liberer-et-Federer

En guise de conclusion :

Le lecteur est en droit de se demander à quel titre j’interviens dans le débat sur la Résistance. A cela je réponds qu’il m’a été donné de créer en 1969, avec mon camarade et ami Pierre Barthès, secrétaire de l’UD de 1966 à 1979, le Centre Régional d’Education Ouvrière de Midi-Pyrénées . J’en ai été le principal animateur. J’intervenais, avec l’aide éclairée de Pierre Barthes sur l’historique du mouvement Syndical et sur le comment et le pourquoi des scissions syndicales qui sont intervenues au cours du temps. Enfin nous évoquions les évènements qui ont nécessité en 1948 à la création de la CGT-FO, afin de sauvegarder un syndicalisme libre de toute emprise politique.

De ce fait, j’ai rassemblé brochures et documents qui, aujourd’hui, me servent à écrire ces pages d’Histoire. Je suis devenu, en quelque sorte, au fil du temps, le conservateur de nos archives syndicales. Avec Pierre Barthes, nous avons animé durant plusieurs années ce centre où se formèrent plusieurs centaines de jeunes militants syndicalistes. Ce centre sera pérennisé par Maurice Gendre et Joseph Bellanca qui seront les successeurs de Pierre Barthès à la tête de l’Union Départementale de la Haute-Garonne.

Concernant nos archives syndicales, Pierre Barthès m’avait demandé d’en faire l’inventaire et avec son aide, nous classerons les siennes et celles de son prédécesseur, Bernard Abadie.

Puis dans les années 80,Yannick Delpoux, alors jeune étudiant, avait débuté sa thèse. Je lui ai apporté mon aide par la mise en relation avec nos anciens. Aujourd’hui devenu professeur d’histoire Yannick Delpoux est l’un des responsables CGT-FO du Syndicat des Lycées et Collèges de la Haute-Garonne. Il nous arrive encore, aujourd’hui, d’évoquer et de commenter sa thèse ? qui fait référence en la matière, intitulée « Etude sur la scission de la CGT et la naissance de la CGT-FORCE OUVRIERE en Haute-Garonne, janvier 1936-décembre 1948 ». Cette thèse était placée sous la direction de Rolande Trempé, Résistante et professeur émérite de l’Université Toulouse le Mirail 1990.

Les syndicalistes qui créeront en 1947 l’Union Départementale CGT-FORCE OUVRIERE de la Haute-Garonne ont pris une part importante dans la lutte menée contre le régime de Vichy et l’Allemagne Nazie. Leur histoire figure en grande partie dans cette thèse qui est consultable sur micro film aux Archives Départementale de la Haute-Garonne.

Après plus de quarante ans de syndicalisme militant et après avoir assuré diverses responsabilités syndicales, je suis aujourd’hui, le responsable de la commission Histoire de l’Union Départementale. En plein accord avec les dirigeants de l’UD nous avons débuté le dépôt de nos documents et brochures aux Archives Départementales de la Haute-Garonne, afin que les prochaines générations puissent y trouver l’histoire de la CGT-FO dans mouvement syndical toulousain.

Le 12 juillet 2009, la Fondation de la Résistance, organisa un colloque national à Aubervilliers consacré à « la période 1940-1947 pendant laquelle Léon Jouhaux, joua un rôle majeur dans les prises de décisions syndicales face à Vichy et à l’occupant » avec la participation de Marc Blondel Président des Amis de Léon Jouhaux et ancien Secrétaire Général de la CGT-FORCE OUVRIERE.

On retrouve en cliquant sur ce lien le programme détaillé dans la rubrique Syndicalisme et Résistance du site :

http://www.fondationresistance.org/pages/actualites/?iIdActualite=206&iInd=0

Georges Portalès Toulouse le 6 septembre /2010 georges.portales@numericable.fr