2 - 5 MARS 1936 à TOULOUSE CONGRES CONFEDERAL D’UNITE

, par udfo31

Extraits de la séance du lundi 2 mars, Séance d’Ouverture

Jouhaux, - Camarades, voulez-vous prendre vos places, s’il vous plaît. Nous allons ouvrir le Congrès en donnant la présidence, comme il est de tradition, aux représentants de l’Union des Syndicats de la Haute-Garonne, nos camarades Forgues, Forest et Caseneuve.

La fanfare exécute la Toulousaine.

Forgues(Président).-« Camarades, au nom du Comité d’organisation je vous remercie de l’honneur que vous nous faites en nous appelant à diriger les débats de votre première séance.

Au nom du prolétariat toulousain, au nom de l’Union départementale et de la Bourse du Travail, je vous adresse à tous les salutations et les sentiments de solidarité de Toulouse syndicaliste.

La capitale du Languedoc est fière de l’honneur que vous lui avez fait, en la désignant comme siège de vos assises, en accourant nombreux, de tous les points de la France, de l’Algérie et du Maroc, pour y consacrer l’Unité syndicale par tous tant désirée.

Dans cette cité acquise à la démocratie et aux idées sociales depuis plus d’un demi-siècle, le syndicalisme libre s’est affirmé depuis toujours.

Soyez assurés, chers camarades, que Toulouse, qui peine, qui soufre et qui pense, vous accueille fraternellement. La population toulousaine elle-même vous accueillera avec joie et sympathie.

Notre première pensée ira vers tous ceux qui pour le moment luttent pour un peu plus de mieux-.être. Nous leur adressons notre témoignage d’encouragement et de solidarité.

Pour la troisième fois Toulouse a l’honneur, la joie de recevoir les délégués de la Confédération Générale du Travail réunis en Congrès national.

Quelques chiffres vous indiqueront la progression et le développement de la vielle C.G.T. que nous aimons tant.

En 1897, le 3e Congrès groupait 78 délégués, dont 14 de Toulouse pour y représenter 254 syndicats.

En 1910, dans la salle des Jacobins, se trouvaient réunis 516 délégués mandatés par 1.374 syndicats.

FIN DE CITATION

Notes et analyse par Georges Portalès

Limiter l’analyse du congrès de Toulouse au débat qui, touche à l’indépendance syndicale pourrait paraître restrictive ; elle est pourtant essentielle pour la suite de l’histoire du mouvement syndical à Toulouse comme ailleurs. Deux scissions syndicales vont se succéder L’une en septembre 1939 avec en toile de fond, le pacte Germano Soviétique, l’autre en 1947 avec la prise du pouvoir du parti communiste de l’organisation syndicale.

Mais revenons au Congrès de Toulouse en 1936 :

Les statuts adoptés par le Congrès de l’Unité de Toulouse en mars 1936, précisent en préambule :

« Le mouvement syndical, à tous les échelons, s’administre et décide de son action dans l’indépendance absolue à l’égard du patronat, des gouvernements, des partis politiques, des sectes philosophiques ou autres groupements extérieurs »

Au cours de ce congrès des voix se feront entendre pour souligner l’ambiguïté des débats portant sur l’indépendance syndicale vis à vis des partis politiques. Ainsi Charbit du Livre (1) interviendra dans ce sens. Voici quelques passages de son intervention, pages 58 et 59 du rapport du congrès.

« Chers camarades, de dois à mon tour exprimer d’abord notre vive satisfaction de voir réuni ce magnifique congrès d’unité par la fusion des deux C.G.T.J’exprime ma satisfaction, et vous me permettrez aussi, ma fierté, d’avoir été de ceux qui ont toujours préconisé le congrès de fusion, malgré les difficultés que nous avons rencontrées.

J’avais pensé que, du moment que les deux directions s’étaient mises d’accord pour proclamer l’indépendance du syndicalisme, la question des incompatibilités se trouvait réglée d’elle-même. Or, je constate que nous n’avons pas compris de la même façon l’indépendance du syndicalisme. Et cela m’autorise à demander aux camarades qui ont accepté le principe de l’indépendance et qui néanmoins, viennent défendre ici le cumul des fonctions politiques et syndicales, s’ils restent fidèles aux conceptions qui avaient prévalu jusqu’ici au sein de la C.G.T.U.Je voudrais savoir en particulier ce qu’ils pensent, aujourd’hui, du rôle dirigeant d’un parti dans le mouvement syndical. Je voudrais savoir si, demain, ils ne reprendront pas ces mêmes idées pour les imposer dans la C.G.T ». FIN DE CITATION

GP : Cette intervention était, pour le moins prémonitoire, et marquait ainsi, de sérieuses réserves à l’enthousiasme du moment.

Robert Bothereau, premier Secrétaire général de la CGT-FO en 1948, présentait ainsi une brochure de Georges Vidalenc (2) sur les circonstances et les raisons des scissions syndicales :

« Ces pages ont été écrites pour que les jeunes générations sachent ce que recèle de dangers la subordination du syndicalisme à la politique, et qui plus est à la politique d’un parti agent d’un pays étranger et sans libertés. » [ Allusion au parti communiste dirigé par Moscou]

Georges Vidalenc, historien de Force Ouvrière, juge ainsi la "réunification" : « Les optimistes, les esprits superficiels et les travailleurs mal informés virent dans cette réunification la renaissance de l’ancienne CGT d’avant 1914 et ils crurent à la résurrection du vieil esprit syndicaliste. Mais les observateurs avertis et les vieux militants n’étaient pas sans inquiétude et ne manifestaient qu’un enthousiasme relatif. Sans doute la réunion de toutes les forces ouvrières constituait sur le plan politique un incontestable succès, mais il s’en fallait beaucoup que l’action syndicale en fût toujours renforcée et facilitée et surtout qu’elle gagnât en clarté. Dans l’euphorie de la réunification, il y eut bien quelques mois paisibles, des réconciliations apparentes, des allocutions pleines de courtoisie et de cordialité, des votes unanimes enthousiastes, mais très vite on put voir que cette fusion n’en était pas une, mais une simple juxtaposition de deux blocs. [...] Unité n’est pas toujours synonyme d’union. ».

Georges Vidalenc explique ainsi le contexte de la première scission : « Rien d’étonnant à ce qu’on vît s’opposer, dans nos organisations ouvrières d’après-guerre, ceux qui restaient fidèles à l’indépendance syndicale, à la Charte d’Amiens et à l’action directe, et ceux qui, gagnés à l’idéologie communiste, acceptaient de subordonner le syndicat au parti et qui pensaient trouver dans Marx, interprété par Lénine, la solution de tous les problèmes. Se joignaient à eux un certain nombre de militants mécontents de l’action de la CGT pendant la guerre, de son adhésion à l’Union sacrée[...] »

Il n’est pas question, poursuit Vidalenc, de reprendre ici un débat dont la solution dépend de sentiments et d’idées personnels. Rappelant l’existence, chez les syndiqués, de sympathies pour ce qui se passait en Russie, Gorges Vidalenc souligne avec force : « Mais là n’était pas la question, il s’agissait du destin du Parti communiste en France. »[…] « Destin, en effet, qui devait l’amener à soutenir en toutes circonstances le "petit père des peuples" qui, de Moscou, entendait régenter tout ce qui, dans le monde, se réclamait du mouvement ouvrier, et les syndicats au premier chef. La signature du pacte germano-soviétique, en 1939, donna toute la mesure de la soumission du Parti communiste français à Staline et de la soumission consécutive des héritiers de la CGT-U à la diplomatie du Kremlin »

(1) Ferninand Charbit se réfugie à Toulouse durant la guerre. Le 19 décembre 1947, il participera à la création de l’Union Départementale CGT-FO de la Haute-Garonne. Il deviendra administrateur CGT-FO de la Sécurité Sociale. Selon la biographie du dictionnaire « le Maitron » tome 3 du Mouvement Ouvrier, indiqué ci-dessous, il était typographe et journaliste. Travaillait avec Pierre Monatte dans l’équipe de « la vie ouvrière », puis en 1922 et à l’Humanité. En 1925 il deviendra 50 ans durant le gérant de « La révolution Prolétarienne ».

(2)

(2) Georges Vidalenc, "Aspect du mouvement syndical français", première édition par la CISL- Confédération Internationale des Syndicats Libres. (Bruxelles, 1953). Georges Vidalenc, "Comment et pourquoi se sont produites les scissions syndicales", Éditions Force Ouvrière. Préface de Robert Bothereau, postface d’André Bergeron.

Toulouse le 1er Décembre 2010